Apprendre aujoud’hui - Diriger demain

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Réception d’ouverture

Mahadeo A. Sukhai, University of Toronto
Membre flottant / président Conseil d’administration de NEADS

Mahadeo Sukhai souhaite la bienvenue aux participants de la réception d’ouverture de la Conférence nationale de 2008 de NEADS, dont le thème est « Apprendre aujourd’hui, diriger demain ». Aux 178 délégués provenant de tout le Canada, il souhaite une agréable conférence ponctuée d’ateliers dynamiques et d’inspirants discours. Il lance aussi un appel aux délégués pour qu’ils participent à la formulation collective de solutions en vue de relever les défis auxquels font face les étudiants handicapés.

Monsieur Sukhai rappelle la vision ayant mené à la création de NEADS, en 1986. Formulée par un groupe d’étudiants handicapés, cette vision reconnaissait la nécessité de créer un organisme national qui aiderait les étudiants handicapés — en leur communiquant de l’information et en leur donnant accès à des ressources et à des services liés aux études postsecondaires — et qui veillerait à promouvoir l’intégration en milieu postsecondaire et à réaliser des travaux de recherche connexes.

À l’époque, les universités et collèges comptaient un nombre assez faible d’étudiants qui se déclaraient handicapés. Cependant, les fondateurs de NEADS partageaient la conviction « que la création d’un milieu propice suffirait à inciter les étudiants à en tirer parti ».

« C’est ce qui s’est produit, en partie du moins en conséquence de notre travail », précise Monsieur Sukhai. À l’heure actuelle, à peine 4 % de la population étudiante déclare une déficience auprès des bureaux des services aux handicapés sur les campus. Néanmoins, à tous les échelons du postsecondaire, le nombre d’étudiants handicapés ne cesse de croître. Ce sont là autant d’hommes et de femmes qui parviendront à obtenir un diplôme ou qui caresseront le projet de poursuivre leurs études et de trouver un emploi dans leur discipline.

Tout compte fait, « un système accessible à tous profite à tous, et non seulement aux personnes handicapées », avance Monsieur Sukhai. Des défis se posent encore en raison des attitudes sociétales et de la perception voulant qu’il soit coûteux d’offrir des services d’éducation accessibles à tous. Cependant, nous avons le choix d’une nouvelle interprétation qui tient compte des différences interpersonnelles observées sur le plan des modes d’apprentissage. Selon cette interprétation, le fait d’adapter les méthodes d’enseignement aux différents styles d’apprentissage, y compris celui des personnes handicapées, permettra à tous les étudiants d’apprendre efficacement.

NEADS, ses partenaires et ses alliés ont su innover, mais il reste cependant du travail à accomplir, croit Monsieur Sukhai. NEADS a donc renouvelé l’engagement envers la réalisation de son mandat, qui consiste à encourager, à favoriser et à promouvoir l’inclusion et la participation intégrales des étudiants handicapés dans le milieu postsecondaire et au sein de la population active.

Monsieur Sukhai est d’avis que les personnes handicapées souhaitent être traitées « comme tout le monde », mais sans avoir à « être comme tout le monde ». Les handicapés veulent avoir accès aux mêmes possibilités et aux mêmes choix que les autres. Ils veulent pouvoir fréquenter le collège ou l’université de leur choix, s’inscrire au programme de leur choix dans la discipline de leur choix et vivre du fruit d’un travail pour lequel ils ont été formés, dans le domaine où ils ont fait des études. Les personnes handicapées ne veulent pas de l’action positive ou d’un régime de contingentement. Elles demandent une seule chose : des règles du jeu uniformisées qui leur permettent de faire leurs preuves comme tout le monde.

D’affirmer Monsieur Sukhai, « à l’instar du pasteur Martin Luther King, je caresse un rêve : celui que le dévouement et le travail acharné de toutes les personnes ici présentes nous valent d’être jugés selon notre trempe ! »

Monsieur Sukhai croit que cette voie exige patience et responsabilité personnelle. Au delà de l’autonomie sociale ou de la déclaration de notre handicap, elle nous pousse à consentir à démontrer nos capacités, à poursuivre notre apprentissage et à prendre possession de notre handicap, de nos études, de notre carrière, de notre destin.

Monsieur Sukhai dresse la liste des défis à relever. Bien que maints collèges et universités adoptent des philosophies d’apprentissage misant sur l’intégration, il faudra redoubler d’efforts afin de garantir l’accès aux programmes. Pour surmonter les obstacles auxquels font face les étudiants handicapés, il existe des solutions techniques, mais celles-ci gagneraient à être plus pratiques, plus rentables et plus opportunes. Enfin, les étudiants handicapés devraient s’efforcer d’améliorer leur représentation au sein de la société.

Monsieur Sukhai croit que NEADS devra élargir et renforcer ses partenariats en vue de réaliser ses objectifs. L’Association a multiplié le nombre de ses partenaires et resserré ses liens de collaboration avec le secteur public et le monde de l’enseignement postsecondaire. Par exemple, avec le concours de plusieurs organisations, elle a lancé un projet de recherche qui s’intéresse aux obstacles financiers auxquels font aujourd’hui face les étudiants handicapés.

Monsieur Sukhai rappelle que de nombreuses personnes handicapées ont su exceller et parvenir au sommet de leur profession. C’est notamment le cas des trois conférenciers d’honneur qui s’adresseront aux participants au cours du weekend, soit : l’honorable David Onley, lieutenant-gouverneur de l’Ontario ; l’honorable Steven Fletcher, ministre d’État à la Réforme démocratique ; et Sandi Bell, commissaire en poste à la Commission canadienne des droits de la personne.

Monsieur Sukhai explique que, par le biais de son programme de bourses d’études Action-Éducation pour étudiants handicapés du postsecondaire, NEADS examine la question de l’excellence à travers un large prisme multidimensionnel. Pour mériter une bourse, les candidats doivent briller par leur engagement ou leur réussite dans une discipline ; par leur leadership ou leur expérience de bénévolat ; par leur engagement ou leur participation dans la collectivité ; ainsi que par leur apport éventuel à l’avancement de la société.

Comme l’indique Monsieur Sukhai, le milieu postsecondaire a radicalement changé depuis 1986. Par exemple, les bureaux des services aux handicapés sont aujourd’hui monnaie courante dans les établissements d’enseignement. La population étudiante présente un profil démographique et une diversité en constante évolution. En outre, l’enseignement postsecondaire se transforme sous l’impulsion de phénomènes comme la poussée de la formation à distance, la redéfinition de l’apprentissage et la multiplication du nombre d’étudiants qui doivent nécessairement travailler.

Pour maintenir sa pertinence et continuer de réussir, NEADS doit changer à son tour. Selon Monsieur Sukhai, l’étude sur les obstacles financiers tient lieu de projet-pilote en vue de futures initiatives de rapprochement avec d’autres groupes. De telles initiatives doivent englober le secteur des services financiers, l’ensemble des intervenants du milieu postsecondaire (et non simplement les fournisseurs de services) de même que d’autres organisations non gouvernementales, au Canada comme à l’étranger — y compris des fournisseurs de services et des associations professionnelles.

Il y a 100 ans, 50 ans ou une génération à peine, les troubles d’apprentissage, les troubles du psychisme et les troubles du développement n’étaient pas encore des déficiences reconnues. La marginalisation, l’exclusion et le refus des possibilités étaient le lot courant des handicapés, dont bon nombre subissaient l’internement. Aujourd’hui, les personnes handicapées des pays développés exercent des droits et libertés acquis de haute lutte. Ces droits et libertés découlent d’efforts déployés par les défenseurs qui ont fait avancer la cause au nom des handicapés ; par les parents, enseignants, amis et soignants qui ont exhorté les jeunes handicapés à donner leur pleine mesure et à se dépasser ; ainsi que par les handicapés eux-mêmes qui n’ont cessé de clamer « oui, je le peux ! »

Cependant, ajoute Monsieur Sukhai, ces mêmes droits et libertés tardent à être reconnus dans bien des régions du monde où, « faute de ressources, les jeunes handicapés se voient refuser des possibilités que nous tenons pour acquises ».

Monsieur Sukhai conclut en rappelant qu’il y a 22 ans, les étudiants handicapés de tout le Canada se sont mobilisés pour unir leur voix et crier « oui, nous le pouvons ! » Cette année, « nous nous réunissons une fois de plus, comme nous le faisons tous les deux ans, afin de renouveler notre vision d’avenir, d’apprendre de nos expériences et de réaffirmer d’une même voix cet engagement : " Oui, nous le pouvons ! " »

Plénière des membres

  • Mahadeo A. Sukhai, University of Toronto
    Membre flottant / président, Conseil d’administration de NEADS
  • Nathalie Fougère, Université de Moncton
    Administratrice du Nouveau-Brunswick, Conseil d’administration de NEADS
  • Paolo Monteagudo, Bishop’s University
    Administrateur du Québec, Conseil d’administration de NEADS

Mahadeo A. Sukhai souhaite la bienvenue aux délégués de la conférence nationale, à qui il promet « une foule d’activités passionnantes ». Il présente le personnel et les membres du conseil d’administration de NEADS, puis remercie les commanditaires corporatifs de la conférence de cette année.

Pour de nombreux participants, cette conférence constitue une première expérience. Monsieur Sukhai conseille à ces délégués de se tourner vers le personnel et les membres du conseil d’administration pour toute demande d’aide ou d’information. Soulignant l’importance que revêt la participation au sein d’associations comme NEADS, il rappelle que, « pour soulever une véritable vague de changement, il suffit d’une seule personne qui innove au bon endroit et au bon moment ».

Monsieur Sukhai souligne tout le plaisir que lui et les autres membres du conseil d’administration de NEADS ont tiré de leur travail au cours des deux dernières années. Entre autres réalisations, ils comptent à leur actif l’achèvement d’un examen organisationnel, la création de nouveaux partenariats, la poursuite de programmes phares qui portent fruit — notamment le site Web et le site d’emplois — ainsi que l’organisation de forums sur les stratégies de recherche d’emploi dans l’ensemble du pays.

« Les membres de notre conseil d’administration s’engagent tous de différentes façons, et leur travail acharné et leur conscience professionnelle méritent une salve d’applaudissements », lance Monsieur Sukhai. Préparant l’avenir, ce dernier ajoute que la participation et l’engagement des membres constitueront les moteurs des possibilités futures.

À la demande de Monsieur Sukhai, Nathalie Fougère et Paolo Monteagudo exposent une version abrégée du rapport d’activité de NEADS. Ils présentent un compte rendu du projet de forums sur les stratégies de recherche d’emploi, du programme de bourses d’études Action-Éducation pour étudiants handicapés du postsecondaire de NEADS ainsi que d’autres initiatives portant sur les obstacles scolaires et financiers auxquels font face les étudiants handicapés.

Forums sur les stratégies de recherche d’emploi

Selon Monsieur Monteagudo, qui préside le comité de projet établi par NEADS, les forums sur les stratégies de recherche d’emploi aident les personnes handicapées à réussir leur passage de l’école au marché du travail. Depuis 2005, de tels forums ont été organisés un peu partout au Canada. Ils ont réuni des conférenciers invités, notamment des spécialistes de l’équité en emploi et des spécialistes des ressources humaines, et ont permis aux participants d’avoir des entretiens individuels avec des conseillers d’orientation professionnelle. Jusqu’à présent, treize forums ont eu lieu dans toutes les régions du pays, et près de 900 délégués y ont pris part. Les forums sont entièrement accessibles, et des subventions sont disponibles pour couvrir les frais de déplacement. Les prochains forums auront lieu à Calgary, à Montréal et dans d’autres villes à déterminer. Ce projet reçoit le soutien financier du programme Action-Éducation de BMO Marché des capitaux.

Bourses d’études Action-Éducation pour étudiants handicapés du postsecondaire et projet en sciences et technologies

Selon Madame Fougère, le programme de bourses d’études Action-Éducation pour étudiants handicapés du postsecondaire est tout nouveau au Canada. Visant un ensemble de déficiences, les bourses — qui doivent servir au paiement de frais de scolarité — récompensent l’excellence en matière de potentiel scolaire ainsi que de leadership et d’engagement à l’échelle des collectivités. Les bourses favorisent un plein accès aux études postsecondaires pour les personnes handicapées qui, en raison de leur déficience, ont souvent à surmonter des obstacles particuliers ou à engager des dépenses supplémentaires pour réussir à participer. Madame Fougère précise que onze bourses ont été décernées à des étudiants de tout le pays au cours des deux dernières années.

Monsieur Monteagudo explique aux délégués que la Fondation Pétrolière Impériale soutiendra jusqu’en 2010 l’initiative Accroître les opportunités offertes aux étudiants handicapés au niveau postsecondaire dans les domaines liés aux sciences et aux technologies. Lancée en juin, cette dernière vise la mise au point d’un guide de ressources (imprimé et en ligne), l’organisation d’un atelier lors de la conférence nationale de même que la création d’un groupe de travail sur l’action sociale en sciences et technologies, lequel se penchera sur les obstacles auxquels font face les étudiants handicapés inscrits dans ces disciplines.

« En nous attardant expressément aux étudiants et aux employés handicapés du secteur des sciences et de la technologie, et en misant sur des partenariats, nous avons bon espoir de faire une contribution novatrice et unique en vue de l’inclusion des étudiants dans ce secteur », précise Monsieur Monteagudo.

Madame Fougère ajoute que NEADS a aussi conclu un partenariat avec le Centre d’études sur les étudiants de niveau postsecondaire de l’University of Toronto dans le but d’examiner l’endettement et les obstacles financiers avec lesquels doivent composer les étudiants handicapés. Censé prendre fin en 2009, ce projet reçoit le soutien financier de la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire et du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur. Il donnera lieu à la mise au point d’un outil de recensement en ligne de même qu’à la conduite d’analyses de données améliorées. Un rapport sur les problématiques à l’étude sera produit au terme du projet.

Monsieur Monteagudo fait part du lancement, en mars 2008, d’une version améliorée du site d’emplois de l’Association : le Système d’emploi en ligne de NEADS (NOWS). Cette nouvelle version propose des fonctions perfectionnées aux employeurs et aux demandeurs d’emploi. De plus, NOWS permet désormais aux conseillers d’orientation professionnelle de s’inscrire.

En réponse à une question, Monsieur Sukhai donne un bref aperçu du processus menant à l’élection et à la nomination des membres du conseil d’administration de NEADS. Il décrit la structure du conseil d’administration, les exigences visant la représentation régionale ainsi que les conditions d’admissibilité. « Aucune participation préalable n’est requise », indique-t-il, « mais les candidats doivent posséder les compétences requises et être prêts à travailler ! »

Premier thème d’atelier: Stratégies de recherche d’emploi et compétitivité sur le marché du travail

MODÉRATRICE
Jennifer Dillon, Consultante du projet des forums sur les stratégies de recherche d’emploi, NEADS

CONFÉRENCIERS

  • Julie Ouellette, Conseillère en services aux handicapés, Paul Menton Centre, Carleton University
  • Sarah Stonier, Étudiante, Université du Nouveau-Brunswick
  • Sharon O’Hara, Gestionnaire du recrutement et de la sélection, Wal-Mart Canada
  • John Huynh, Associé au marketing, BMO Assurance, BMO Groupe financier

Jennifer Dillon accueille les délégués qui assistent à l’atelier de la matinée, consacré aux stratégies de recherche d’emploi. Elle rappelle que NEADS a pour objectif d’aider les étudiants handicapés à traduire leur réussite scolaire en une carrière enrichissante. À cette fin, l’Association offre des ateliers, organise des consultations portant sur la rédaction de curriculum vitæ et propose des astuces pour faciliter le réseautage. « Il est captivant de penser que vous pourriez vous retrouver ici dans quelques années, à partager l’histoire de votre réussite avec les délégués d’une future conférence », lance la modératrice.

Madame Dillon explique que les conférenciers aborderont un éventail de sujets et exposeront différentes perspectives liées à la déclaration et aux aménagements en milieu de travail. La décision de déclarer sa déficience à un employeur relève d’un choix très personnel, et Madame Dillon dit espérer que l’atelier aidera les délégués à trouver la solution la plus susceptible de leur convenir à cet égard.

Travailler avec un but bien précis : enrichir son expérience

Aux délégués, Julie Ouellette donne des astuces qui permettent de conjuguer expérience professionnelle et formation postsecondaire. Après avoir fait un bref survol de statistiques démontrant l’existence d’un lien direct entre le niveau d’instruction postsecondaire et la rémunération, Madame Ouellette explique qu’en raison de la multiplication du nombre de candidats ayant accès aux études supérieures, le simple fait de détenir un diplôme ou un grade s’avère moins utile, sur le marché du travail, si l’on ne peut également faire valoir des antécédents professionnels. Souvent, les postes à pourvoir exigent à tout le moins une certaine expérience. En effet, les employeurs « veulent jauger la capacité des candidats de mettre en pratique leurs connaissances théoriques dans un cadre professionnel ».

Pour l’employeur, le recrutement d’une personne ayant déjà des antécédents professionnels comporte des avantages manifestes, précise Madame Ouellette. Les employeurs veulent évaluer « l’apport de la personne à leur organisation, les forces qu’elle pourra mettre au service de leur équipe ainsi que sa capacité d’exercer les fonctions liées au poste à pourvoir ».

De même, l’expérience de travail constitue un atout pour les étudiants. En effet, en plus de procurer des revenus, le fait de travailler peut donner un nouveau sens aux études et situer ces dernières dans un juste contexte. Par ailleurs, en plus de stimuler la participation sociale des étudiants, le travail peut aider ces derniers à mieux cerner les avenues professionnelles qui s’offrent à eux, à cultiver un sentiment de compétence ainsi qu’à choisir un domaine où faire carrière.

Pour les étudiants handicapés, le fait de conjuguer travail et études pose des défis particuliers. Déjà contraints de restreindre le nombre de cours qu’ils suivent, certains étudiants n’auraient pas de temps à consacrer à un emploi. D’autres reçoivent une aide qui pourrait limiter les revenus à tirer d’un éventuel emploi. D’autres encore ne sauraient peut-être pas comment s’y prendre pour faire valoir leurs besoins.

Madame Ouellette propose différentes avenues susceptibles d’aider les étudiants à enrichir leur expérience professionnelle. À son avis, les étudiants devraient se renseigner sur les possibilités qu’offre leur établissement d’enseignement postsecondaire, y compris les programmes d’alternance travail-études, les programmes de stages, les programmes d’apprentissage, les initiatives d’apprentissage par expérience, les postes d’assistant à la recherche ou à l’enseignement ainsi que les programmes de mentorat. Elle ajoute que le bénévolat et les modes de travail non conventionnel — horaires variables, télétravail et autres — constituent d’intéressantes solutions pour les étudiants handicapés.

Madame Ouellette s’attarde à certaines légendes organisationnelles que risquent de devoir contrer les étudiants handicapés dans leur milieu de travail. La première a trait au syndrome de la « normalité apparente », qui survient d’ordinaire lorsqu’un employeur ne sait reconnaître les besoins d’intégration d’un employé atteint d’une déficience invisible. En pareil cas, l’employé doit veiller à bien faire connaître ses exigences en matière d’aménagements. Une autre légende veut que les personnes handicapées nécessitent plus de formation que les autres ou doivent faire l’objet d’aménagements trop coûteux ou déraisonnables aux fins d’un poste à court terme ou d’un emploi d’étudiant. « Des études démontrent pourtant que, dans la plupart des cas, il en coûte moins de 500 dollars pour assurer l’intégration d’employés handicapés », réplique la conférencière.

À l’intention des participants, Madame Ouellette dresse une liste des principales qualités personnelles que recherchent les employeurs chez un candidat ou une candidate. Il s’agit notamment de l’aptitude à communiquer oralement et par écrit, de l’éthique de travail rigoureuse, de l’aptitude à bien travailler avec d’autres personnes, de l’esprit d’initiative ainsi que de l’aptitude à résoudre des problèmes. Les étudiants postsecondaires auraient avantage à travailler auprès d’employeurs stables, honnêtes et justes, qui adoptent des pratiques éthiques, offrent des avantages sociaux et procurent une certaine sécurité. Par ailleurs, il importe aussi d’aimer son travail, d’afficher une attitude positive et de promouvoir ses aptitudes et compétences.

Aux délégués qui veulent savoir où trouver de l’aide pour décrocher un emploi, Madame Ouellette suggère de dépouiller les sites de recherche d’emploi en ligne, de visiter le centre des carrières ou le bureau des services aux handicapés de leur établissement d’enseignement postsecondaire, de miser sur leur propre réseau social ainsi que d’établir des liens avec des organismes communautaires.

Madame Ouellette conclut sur une citation d’Anatole France : « Pour accomplir de grandes choses, nous devons non seulement agir, mais aussi rêver, non seulement prévoir, mais aussi croire. »

Défendre ses propres intérêts : un facteur de réussite dans le domaine des soins de santé

Sarah Stonier, étudiante-infirmière de troisième année à l’Université du Nouveau-Brunswick, partage avec l’assemblée l’histoire de sa réussite dans le domaine des soins de santé. Elle dit vouloir transmettre le message suivant : brisez les tabous et « apprenez à vous aider en défendant vos propres intérêts ».

En quelques mots, Madame Stonier décrit le trouble d’apprentissage dont elle est atteinte et précise en quoi ses études ont été touchées. Aux prises avec une déficience invisible, Madame Stonier — dont la devise personnelle est « ne pas vouloir signifie ne pas pouvoir » — a dû relever un défi capital : parvenir à expliquer clairement sa situation à ses enseignants et condisciples. « Concrètement, on ne trouve pas toujours quelqu’un qui puisse nous aider. Cependant, il est essentiel de comprendre sa déficience pour réussir à défendre ses propres intérêts », ajoute-t-elle.

Madame Stonier exhorte les participants à apprendre à connaître leur déficience et à l’expliquer aux membres de leur entourage. Elle les pousse à reconnaître leurs forces et faiblesses en vue de miser sur les premières et de s’adapter aux secondes. À son avis, en dépit de leur déficience, les étudiants handicapés devraient être fiers de leurs réalisations.

La conférencière suggère aux participants de réfléchir aux aménagements qu’ils ont faits dans leur propre milieu, ce qui les aidera à cerner les besoins qu’aura à satisfaire leur futur employeur. Elle décrit plusieurs aménagements personnels qui lui ont permis d’adapter son environnement de travail de façon à mettre en évidence ses forces. Par exemple, en raison de son trouble d’apprentissage, Madame Stonier pouvait difficilement remplir une fiche médicale à la main ou travailler dans une salle d’opération. Pour contourner ces obstacles, elle a choisi un milieu où les fiches médicales sont remplies par ordinateur et organisé son travail pour tirer parti d’endroits où elle se sent à l’aise. « Cela ne fait pas de moi une mauvaise infirmière », précise-t-elle. « J’ai simplement adapté mon travail en fonction de ma déficience ! »

Aux délégués, Madame Stonier souligne l’importance d’exprimer clairement leurs limites et de formuler des suggestions aux employeurs pour les aider à gérer ces contraintes. Ainsi, l’employeur et l’employé connaîtront leurs besoins réciproques. La conférencière explique qu’elle avait choisi, au moment d’entreprendre ses études en sciences infirmières, de ne pas déclarer son handicap, mais cette stratégie s’est avérée « désavantageuse au départ ». Il est tout aussi frustrant de composer avec des aménagements trop nombreux qu’avec des aménagements insuffisants.

Madame Stonier croit qu’il est parfois difficile de demander de l’aide, mais que cela s’avère indispensable à la réussite. S’ils ont à demander de l’aide, les participants devraient se montrer polis, parler au « je », s’efforcer de trouver des solutions de rechange pour effectuer la tâche et tenter au moins une fois au préalable de se débrouiller seuls. En outre, le recours aux autres est à considérer lorsque l’on souffre de délais serrés.

Comment se préparer à subir une entrevue

Sharon O’Hara travaille au recrutement à Wal-Mart Canada. Elle donne un aperçu des différentes formes d’entrevues que risquent de subir les participants dans le cadre de leur recherche d’emploi. De plus, elle propose des astuces utiles pour réussir à bien se présenter à d’éventuels employeurs. À son avis, « une conférence comme celle-ci offre la possibilité de se faire valoir auprès d’un employeur, et il faut donc inscrire cette expérience à son curriculum vitæ ».

Les candidats qui sont convoqués à une entrevue devraient sans tarder se renseigner au sujet de l’entreprise, du poste à pourvoir et du salaire escompté. Il y aurait lieu également de consulter la personne chargée de réaliser l’entrevue ou de procéder au recrutement, afin de tenter d’en savoir plus sur le poste ou d’obtenir tout autre renseignement pertinent. Madame O’Hara recommande aux participants de s’exercer à répondre à des questions et à parler en toute confiance de leur curriculum vitæ et de leur expérience. À cette fin, la meilleure méthode consiste à demander l’aide de parents ou d’amis pour réaliser des entrevues simulées et cerner ses propres forces et faiblesses. « De tels exercices vous aideront à surmonter la nervosité », ajoute la conférencière.

Madame O’Hara conseille aux délégués de rédiger des questions à l’intention de l’intervieweur et de se munir, pour l’entrevue, d’un exemplaire de leur curriculum vitæ et d’une liste de références professionnelles. En se préparant ainsi, les candidats démontrent aux employeurs éventuels qu’ils portent un réel intérêt à l’organisation dont ils cherchent à obtenir un emploi. De préciser Madame O’Hara, « faire du recrutement équivaut à peu près à gérer une agence matrimoniale, car il s’agit essentiellement de réunir des personnes en vue d’établir des relations fructueuses ». Exhortant les délégués à « apprendre à reconnaître un bon emploi », elle les incite à demander à la personne réalisant d’entrevue d’expliquer pourquoi elle occupe un emploi au sein de l’organisation. L’entrevue n’est pas une activité à sens unique. Au contraire, les participants y trouveront une bonne occasion de découvrir s’ils sauraient bien cadrer avec l’organisation, compte tenu de leurs buts et intérêts propres.

Sur le plan de la logistique, Madame O’Hara recommande aux participants de planifier leur trajet, de prévoir leurs besoins de transport, de se vêtir convenablement, de connaître le nom de la personne qu’ils rencontrent et, enfin, d’être à l’heure.

L’entrevue ne se veut pas une expérience intimidante, selon Madame O’Hara, qui ajoute que les employeurs qui convoquent des candidats « souhaitent que l’effort de recrutement porte des fruits ». Pour bien se préparer, les candidats ont le loisir de poser des questions sur la nature de l’entrevue qui les attend. Par exemple, en sachant au préalable qu’ils seront interrogés par un jury, qu’ils participeront à une entrevue collective ou qu’ils auront à exposer un scénario en réponse aux questions d’un intervieweur — pour ne citer que quelques exemples —, les candidats disposent déjà d’indices quant aux genres de renseignements que les employeurs tenteront de recueillir par ces méthodes d’entrevue.

Madame O’Hara lance cet appel à l’auditoire : « Soyez confiants ! Si vous êtes convoqués en entrevue, c’est parce que vos qualifications satisfont aux exigences de l’employeur ! »

Pour répondre efficacement aux questions posées lors d’une entrevue, il existe une excellente méthode désignée par l’acronyme STAR, qui signifie « situation », « tâche », « action » et « résultat ». Pour les candidats, la méthode consiste à donner à l’intervieweur un aperçu d’une situation qu’ils ont vécue, à expliquer la tâche qu’ils devaient accomplir ainsi qu’à décrire l’action qu’ils ont entreprise et le résultat qu’ils ont obtenu. De tels éléments de réponse intéresseront la plupart des intervieweurs. Par ailleurs, la méthode STAR s’avère utile lorsqu’on demande aux candidats d’exposer une situation ayant mal tourné. « Avec un peu d’entraînement, il y a moyen de tisser le récit d’un échec pour en souligner les éléments positifs », affirme Madame O’Hara. Celle-ci ajoute que l’expérience acquise en poursuivant des études, en faisant du bénévolat ou en étant membre d’un club est tout aussi valable que l’expérience de travail.

Madame O’Hara croit que, lors d’une entrevue, les participants ne devraient pas se gêner pour prendre le temps de réfléchir à la formulation de leurs réponses. « Ne vous précipitez pas pour combler un silence, car il s’agit d’une tactique à laquelle ont souvent recours les recruteurs », ajoute la conférencière. En outre, il est tout à fait acceptable de demander à l’intervieweur de répéter ou de reformuler une question. Par contre, les candidats ne devraient jamais tenter de faire valider leurs réponses lors de l’entrevue, car l’intervieweur pourrait y voir un signe de manque d’assurance.

Selon Madame O’Hara, les recruteurs sont à l’affût de candidats qui s’intéressent à l’employeur, qui sont bien préparés pour subir l’entrevue, qui se montrent positifs et enthousiastes à propos de leurs compétences et qui cadrent avec les besoins de l’organisation.

« N’ayez pas peur d’afficher votre nervosité, ne jurez pas, et évitez le langage familier », conseille Madame O’Hara, qui explique aux délégués que l’entrevue « débute au moment où l’on pénètre dans l’édifice et prend fin au moment où l’on en sort ». Précisant qu’elle demande souvent à la réceptionniste de son bureau de donner son avis à propos des candidats, la conférencière lance : « À tout moment de votre visite, vous serez sous le feu des projecteurs ! »

Madame O’Hara poursuit son énumération des choses à faire et à ne pas faire : « Évitez toute marque d’hostilité à l’endroit du recruteur, soyez à l’heure, portez une tenue convenable, soyez préparés, souriez et donnez la main, établissez un contact visuel, coupez votre téléphone cellulaire ou tout autre appareil électronique, prenez des notes, donnez des réponses précises, n’interrompez pas, faites vos devoirs, et soyez prêts à expliquer à l’intervieweur pourquoi vous souhaitez travailler au sein de l’organisation. »

Madame O’Hara recommande également aux candidats de poser des questions générales à propos du poste, mais d’éviter toute question directe concernant les heures de travail ou le salaire. À son avis, il est acceptable que les candidats se munissent d’un dossier exposant leurs réalisations antérieures. En outre, les candidats devraient s’assurer de transmettre une note de remerciement à la suite de l’entrevue.

En ce qui touche la déclaration du handicap, Madame O’Hara juge utile d’aborder toute période d’inactivité inscrite au curriculum vitæ des candidats. La façon d’y parvenir et la manière de soulever la question de la déclaration dépendent de la situation d’emploi des candidats et du sentiment d’aise qu’ils éprouvent. Dans certains milieux de travail, le principe de déclaration « en cas de nécessité absolue » pourrait prévaloir. La conférencière explique que, s’ils décident de divulguer leur handicap à l’employeur, les participants devraient présenter la chose comme un « élément de fait » et s’assurer de bien faire connaître leurs besoins. Madame O’Hara croit que la déclaration devrait être perçue comme une occasion de sensibilisation d’autrui.

Stratégies de réussite en milieu de travail

L’exposé de John Huynh porte sur les stratégies de réussite en milieu de travail. Puisant dans sa propre expérience, le conférencier explique à quel point le passage de l’école au marché du travail risque d’être déconcertant, d’où l’importance d’appliquer certaines règles de base au moment de joindre la population active.

Monsieur Huynh croit qu’une personne qui prend un emploi doit d’abord éviter de trop s’en faire. La plupart des employeurs offrent une initiation complète et acceptent volontiers de répondre à toute question. Les participants devraient écouter, prendre des notes et demander sans tarder des aménagements afin de « pouvoir disposer de tous les outils nécessaires à la réussite ».

La déclaration du handicap aux compagnons de travail relève d’une décision très personnelle. Certaines personnes préféreront attendre alors que d’autres voudront aviser leur gestionnaire ou un collègue, par souci de sécurité. Monsieur Huynh conseille aux délégués d’aborder le sujet de la déficience avec le superviseur, en privé, et d’expliquer « comment cette situation influence la personne handicapée ».

Monsieur Huynh propose un survol des aptitudes générales qui favorisent la réussite en milieu de travail. Ces aptitudes ont trait notamment au respect d’une étiquette professionnelle appropriée, à l’application de méthodes efficaces de gestion du temps ainsi qu’au réseautage axé sur l’établissement de relations et le renforcement des habiletés pour la communication. Le conférencier recommande la mise sur pied d’un « réseau de mentors et de personnes dignes de confiance, à qui demander conseil ».

En ce qui concerne le perfectionnement professionnel, Monsieur Huynh affirme que « l’employé qui parvient à mettre un pied dans la porte devient par la suite responsable de sa propre carrière ». Pour qui veut manifester la volonté de promouvoir sa carrière, il est très avantageux de bien connaître ses propres aptitudes, de savoir repousser ses limites et de faire preuve d’initiative. En outre, le dépouillement des avis de postes à pourvoir à l’interne, l’étude des ensembles de compétences requis et l’observation des employés au travail sont d’excellentes stratégies qui permettent de concevoir un mode d’avancement professionnel naturel au sein d’une entreprise.

Discussion

Priée de donner des exemples de questions que pourraient poser les candidats au terme d’une entrevue pour attester l’intérêt sincère qu’ils portent à l’organisation, Madame O’Hara se dit dans l’impossibilité de répondre avec précision. Elle mentionne cependant que les questions spécifiques et fouillées s’avèrent les plus efficaces.

Madame Dillon ajoute que les candidats devraient interroger les employeurs éventuels au sujet des occasions de participation qui s’offrent en milieu de travail, notamment par le biais de comités ou de groupes de travail.

On demande à Madame O’Hara de se prononcer sur les avantages et les inconvénients que comportent les entrevues téléphoniques pour les personnes handicapées. La conférencière répond que, comme agente de recrutement, son objectif consiste à personnaliser autant que possible le processus d’embauche. « Nous demandons aux personnes handicapées d’indiquer la formule qui leur conviendrait le mieux, mais en général il vaut mieux réaliser une entrevue directe. »

Madame Dillon précise que, pour elle dont la déficience est visible, la formule de l’entrevue téléphonique favorise « l’établissement d’un rapport initial pouvant mener par la suite à un échange au sujet du handicap ».

Un délégué fait valoir que les personnes handicapées ne devraient pas porter seules le fardeau de l’adaptation en milieu de travail. Les employeurs devraient également être informés des besoins des candidats. Une meilleure prise de conscience de la part des employeurs contribuerait à ce que les personnes handicapées obtiennent les aménagements dont elles ont besoin, par opposition aux aménagements qui paraissent adéquats aux yeux des employeurs.

Les conférenciers abondent dans le sens de cette intervention, déplorant le manque d’information ou de sensibilisation qui sévit à propos des déficiences. À leur avis, il est difficile, en milieu de travail, de gérer des aménagements réalisés à la hâte, en prévision de réunions tardives ou en réaction à des situations imprévues. Des aménagements temporaires ou progressifs pourraient s’avérer nécessaires. Madame Dillon convient de la nécessité d’établir « un mécanisme de déploiement d’aménagements rapides et de diffusion opportune de renseignements aux employeurs ».

Madame O’Hara explique que son organisation « prône une stratégie qui mise sur l’associé en tant qu’intervenant ». À son avis, en concluant des partenariats avec des agences locales et des ressources dans les collectivités, les employeurs parviendraient à trouver le soutien dont ils ont besoin.

Deux participants demandent aux conférenciers s’ils ont déjà eu à côtoyer professionnellement ou à embaucher des personnes ayant une déficience auditive qui communiquent au moyen du langage gestuel. Ils prient également Madame O’Hara d’indiquer si, dans sa définition du concept de diversité, la société Wal-Mart considère la surdité. En effet, ces participants ont eu vent de nombreuses personnes sourdes dont la candidature a été rejetée par l’entreprise.

Madame Stonier répond qu’elle a déjà travaillé, en milieu hospitalier, avec une personne ayant une déficience auditive. « De nombreux obstacles se dressaient sur sa route, mais je sais qu’elle a su les surmonter », ajoute-t-elle. Pour sa part, Madame O’Hara dit savoir que Wal-Mart Canada compte plusieurs employés ayant une déficience auditive, surtout dans la région de Milton, en Ontario, où se trouve l’école pour sourds E.C. Drury. « L’un des défis que nous devons relever consiste à former les gérants de nos magasins, qui font parfois des suppositions erronées », explique-t-elle. Madame O’Hara suggère aux participants de lui faire part de leurs préoccupations, le cas échéant, en communiquant avec le siège social de Wal-Mart Canada.

On demande aux conférenciers des conseils quant à la façon d’aborder les problèmes d’aménagement du temps de travail. Madame Dillon répond que l’astuce consiste avant tout à cerner les tâches chronophages et à réclamer des solutions adaptées telles que le partage d’emploi. À cela Madame Stonier ajoute : « En tant qu’infirmière, je suis tenue de satisfaire à toutes les exigences. Parfois, cependant, je choisis d’emprunter une route différente pour atteindre la même destination. Il s’agit essentiellement d’exprimer vos besoins. Pourvu que la destination ultime soit identique, la plupart des gens accepteront de vous suivre dans votre démarche. »

Une participante demande s’il existe des astuces pour garder le contact visuel lors d’une entrevue mettant en scène des candidats aveugles ou malvoyants. Elle s’interroge également sur la responsabilité financière à l’égard de la mise en place des aménagements requis, notamment les outils ou les logiciels particuliers.

Reconnaissant la difficulté à garder le contact visuel qu’éprouvent les personnes ayant une déficience visuelle, Madame Dillon conseille à ces dernières de porter le regard vers l’endroit où se trouve l’intervieweur. Elle recommande également de pratiquer cette méthode avec d’autres personnes afin d’éviter « de regarder vers le plafond ou vers le sol ». En ce qui touche l’autre interrogation, la conférencière offre le commentaire suivant : « Je crois qu’il incombe à l’employeur de réaliser des aménagements, mais qu’il incombe à l’employé de faire connaître ses besoins et de fournir de l’information sur les ressources disponibles. » Il est toujours utile de savoir quels genres de renseignements sur les aménagements conviendraient aux employeurs et de pouvoir formuler des suggestions quant aux aménagements réalisables à court terme.

Monsieur Huynh explique que certains grands employeurs disposent de budgets centralisés pour réaliser des aménagements. « Il vaut mieux faire preuve de transparence à propos de vos besoins, car vous ne voudriez certainement pas travailler pour un employeur qui s’y montre insensible », ajoute-t-il.

Abondant dans le sens d’un commentaire au sujet de l’importance décisive de la communication entre employeurs et employés lorsqu’il s’agit d’aménagements, Madame O’Hara précise que « parfois, les employeurs font des suppositions qui les poussent à mettre en place des aménagements inutiles et fort coûteux ». À son avis, les employés devraient miser sur le personnel des ressources humaines pour défendre leurs intérêts, car souvent ce dernier en connaît plus qu’eux en ces matières. Pour sa part, Madame Stonier convient que « le fait de devoir demander constitue le principal défi ».

Priée d’indiquer comment les candidats pourraient s’y prendre pour connaître au préalable la méthode d’entrevue à laquelle ils seront soumis — test écrit, scénario collectif ou autre —, Madame O’Hara recommande de s’adresser à la personne chargée d’organiser l’entretien. « Pour peu qu’elle soit compétente, cette personne saura comment vous aider », lance-t-elle.

La question suivante est posée : « Comment peut-on savoir qu’un emploi nous échappe en raison de notre expérience plutôt que de notre handicap ? » Madame Dillon répond que l’entrevue proprement dite constitue une vitrine de choix pour évaluer la culture organisationnelle de l’employeur. Madame Stonier renchérit en ces termes : « Il est vrai que les employeurs ne sont pas tous disposés à embaucher des personnes handicapées. Il n’y a pas toujours moyen de savoir si nous sommes victimes de discrimination. Si vous soupçonnez que c’est le cas, sachez que vous avez des recours. » Madame O’Hara ajoute qu’il est tout à fait acceptable de joindre un recruteur, à la suite d’une entrevue, pour demander des commentaires et exiger les résultats de tous les tests, le cas échéant. À son avis, tout bon employeur voudra voir à ce que ses pratiques d’embauche soient valables.

Un membre de l’auditoire affirme que les établissements postsecondaires devraient aborder, dans leurs programmes d’enseignement, la question des personnes handicapées et des aménagements à leur intention en milieu de travail. Les conférenciers abondent dans le même sens, ajoutant que les étudiants handicapés constitueraient les meilleurs défenseurs de cette cause. De préciser Madame O’Hara, « voilà une belle occasion pour vous de façonner les programmes d’études. Longtemps ignorées, les personnes handicapées ne sont pas utilisées à leur pleine mesure sur le marché du travail ! »

On demande aux conférenciers de commenter les lignes directrices, émises par les syndicats, qui limitent les possibilités d’aménagement. Madame Stonier répond que, s’ils s’entendent à propos des aménagements à faire, l’employeur et l’employé devraient consulter le représentant syndical afin que toutes les parties collaborent à la recherche d’une solution convenable.

Une déléguée qui doit subir de fréquentes hospitalisations, en raison de son handicap, demande des conseils quant à la façon d’aborder le sujet avec un employeur. Madame Dillon répond qu’un conseiller en emploi pourrait sans doute aider la personne à déterminer le genre de travail ou de milieu de professionnel qui conviendrait le mieux à sa situation. Madame O’Hara raconte que sa déficience l’a contrainte à s’absenter longuement du travail, mais que de telles absences pouvaient faire l’objet d’aménagements avec ses collègues. Ainsi, parce qu’ils connaissaient ses tâches et étaient disposés à collaborer, ces derniers ont pu assurer temporairement la relève.

Priée de réagir au plafond imposé au revenu des étudiants qui reçoivent une aide gouvernementale — une mesure qui fait obstacle à la quête d’un travail salarié —, Madame Ouellette fait valoir que les étudiants qui ne peuvent toucher plus d’une certaine somme, au titre de leurs revenus, devraient considérer d’autres possibilités en vue d’enrichir leur expérience professionnelle, y compris peut-être le bénévolat ou le travail à temps partiel. Pour sa part, Madame O’Hara souligne que les employeurs devraient « faire preuve de créativité afin d’appuyer les étudiants ». À son avis, certains participants pourraient tirer parti d’emplois coopératifs ou d’autres possibilités de stages.

La question suivante est posée : « Quelle est la valeur ajoutée que comporte l’embauche des personnes handicapées ? » Madame Dillon répond qu’une organisation peut espérer élargir sa clientèle en se dotant d’une main-d’œuvre qui se veut le reflet de la population. Madame Stonier, quant à elle, avance que l’embauche de personnes handicapées dans le domaine des soins de santé contribue à jeter un nouvel éclairage sur les services offerts et à donner un espoir aux patients ou aux clients. « Comme infirmière, je me perçois comme un modèle », lance-t-elle.

Madame O’Hara renchérit en ces termes : « Dans une optique de diversité, les gens peuvent bouleverser vos habitudes de travail ou remettre en question vos méthodes de travail, et cela s’avère fort utile. » Elle donne l’exemple de son propre bureau, où deux recruteurs ayant une déficience visuelle ont été les fers de lance du passage de la tenue de dossiers manuels à la tenue de dossiers électroniques. En plus de profiter aux deux recruteurs, ce changement a grandement stimulé la productivité générale du bureau. « Il y a des bienfaits insoupçonnés à se doter d’employés qui ont dû modifier leur perspective du monde », ajoute la conférencière.

Invitée à faire part de ses expériences avec l’organisme de réglementation professionnelle, Madame Stonier signale qu’elle n’a pas encore obtenu son accréditation, mais que cela ne saurait tarder, car ses qualifications d’étudiante-infirmière de troisième année satisfont à toutes les exigences, voire les dépassent. « Si une personne croit pouvoir répondre aux exigences d’un programme de sciences infirmières, elle devrait faire des pieds et des mains pour être admise. C’est certainement ce qu’il m’a fallu faire », ajoute la conférencière.

Un membre de l’auditoire demande aux conférenciers d’expliquer comment ils proposent d’arbitrer le jeu des contraintes liées, d’une part, à la défense de la diversité en milieu de travail et, d’autre part, à la volonté de nombreuses personnes handicapées de réaliser leurs objectifs « sur un même pied » que quiconque. Il existe une dichotomie entre le besoin d’adopter des mesures spéciales pour assurer la diversité des milieux professionnels et le désir « de respecter la procédure et de se flatter de réussir de la même façon que les personnes non handicapées, réfutant du coup toute accusation de traitement de faveur », précise ce délégué.

Monsieur Huynh a la réponse suivante : « Que l’on emprunte la voie régulière ou celle de la diversité, il est très difficile de faire son chemin sur le marché du travail ! » Après avoir d’abord tiré parti de mesures de stimulation de la diversité en milieu professionnel pour mettre un pied dans la porte, le conférencier dit avoir assuré son avancement subséquent en ayant recours aux mêmes mécanismes que tout autre employé de l’organisation. « Il est difficile d’arrêter son choix sur une route, car il s’agit d’une décision personnelle. Cependant, une fois lancés sur cette route, c’est à nous qu’il revient de réussir », conclut-il.

Madame Dillon ajoute que l’enjeu porte non seulement sur la diversité, mais aussi sur les aménagements en milieu de travail. À son avis, il n’y a aucune honte à demander des aménagements. « Même des personnes n’ayant aucun handicap réclament de tels ajustements, notamment les parents qui exigent un horaire variable ou un poste à temps partiel pour s’occuper de leurs enfants. »

On demande à Madame O’Hara de formuler des conseils aux personnes à mobilité réduite en ce qui touche la poignée de main à donner au moment de rencontrer un intervieweur. L’intéressée affirme que la meilleure stratégie consiste à indiquer d’entrée de jeu que l’on ne peut donner la main. « Quoi qu’il en soit », ironise la conférencière, « la poignée de main sera bientôt proscrite parce qu’elle favorise la propagation des germes » !

Un membre de l’auditoire demande des astuces pouvant contribuer à la rédaction d’une lettre d’accompagnement efficace. Madame O’Hara répond qu’il importe de fournir des renseignements exacts et d’adapter le contenu de la lettre selon l’employeur, car cela « démontre une connaissance de l’entreprise et atteste une volonté d’en grossir les rangs ». Par ailleurs, selon Madame Dillon, il est utile de citer des travaux scolaires potentiellement pertinents pour le poste. En outre, il faut soigner la présentation et l’orthographe ainsi que recourir à un modèle d’usage courant, semblable à ceux que propose le logiciel Microsoft Word.

Un participant recommande aux personnes ayant une déficience visuelle de faire relire leur curriculum vitæ par des amis clairvoyants, qui pourront vérifier la justesse du modèle retenu.

On prie les conférenciers d’énumérer les choses à faire et à ne pas faire avant une entrevue. Madame O’Hara répond que toute communication avec un employeur éventuel devrait être officielle, qu’elle se fasse par téléphone, par lettre ou par courrier électronique. Il est indispensable d’utiliser une adresse électronique valide, de laisser un message vocal approprié, de soigner l’orthographe et de recourir au bon vocabulaire pour éviter tout risque de jugement de valeur avant l’entrevue. Par ailleurs, Madame O’Hara explique que les employeurs explorent souvent des sites de réseautage social comme Facebook en vue de recueillir au préalable des renseignements sur les candidats. Elle recommande aux participants de s’assurer d’être à l’aise avec l’information disponible sur de tels sites. Une fois l’entrevue terminée, les candidats devraient demander les cartes de visite de tous leurs interlocuteurs pour ensuite transmettre une note personnelle à chacun d’eux.

Un délégué pose la question suivante aux conférenciers : « Comment proposez-vous d’arbitrer le jeu des contraintes liées, d’une part, au respect du droit des personnes handicapées de profiter d’aménagements dans différents milieux de travail, notamment les hôpitaux, et d’autre part au malaise que suscite, dans la société, le choix de tels candidats pour exercer ces fonctions ? Comment faire pour aborder des gens qui pourraient trouver désagréable qu’une personne handicapée soit chargée d’offrir des soins ? »

Madame Stonier répond que cette problématique n’est pas le propre des personnes handicapées. En milieu hospitalier, par exemple, certains patients n’aiment pas se faire soigner par des infirmiers de sexe masculin. « Si vous entretenez de bons rapports avec vos compagnons de travail, il y a moyen de contourner cet obstacle », explique-t-elle. Madame O’Hara ajoute que, s’il dérange parfois bien des gens, le changement n’en demeure pas moins nécessaire. Pour sa part, Madame Dillon dit percevoir une évolution positive, bien que la situation soit encore imparfaite. « En règle générale, la plupart des gens sont éblouis de voir des personnes handicapées leur offrir des services, et nous devons maintenir cette progression », affirme-t-elle.

Deuxième thème d’atelier: Améliorer les opportunités dans les domaines reliés aux sciences et à la technologie

MODÉRATEUR
Paolo Monteagudo, Bishop’s University, Administrateur du Québec, Conseil d’administration de NEADS

CONFÉRENCIÈRES

  • Jessica Cowan-Dewar, Consultante et chercheuse, NEADS
  • Marie-Ève Veilleux, Université McGill
  • Kathryn Woodcock, Professeure agrégée, Ryerson University

Selon Paulo Monteagudo, le secteur des sciences et de la technologie est celui où, dans l’économie, se créent actuellement la plupart des nouveaux emplois au Canada. Dans les établissements d’enseignement postsecondaire, les personnes handicapées sont sous-représentées au sein des programmes d’études en sciences et technologies. À en croire des données non scientifiques, de multiples obstacles gêneraient le parcours de nombreux étudiants handicapés, pourtant enthousiastes à l’idée de faire carrière dans ces domaines. La sous-représentation des handicapés au sein des programmes d’études se répercute sur le marché du travail.

Les personnes handicapées en sciences et technologies : résultats de recherche préliminaires

Jessica Cowan-Dewar travaille comme consultante au projet en sciences et technologies que parraine NEADS (La promotion de carrières dans les domaines de la science et de la technologie auprès des étudiants et des nouveaux diplômés handicapés : exemples à suivre, pratiques d’excellence et ressources) avec le soutien financier de la Fondation Pétrolière Impériale. Elle se dit ravie de faire part à l’auditoire des connaissances acquises au sujet de la participation des personnes handicapées dans le domaine des sciences et de la technologie. Elle décrit le projet, qui prévoit la conduite d’une analyse documentaire et d’une analyse de l’environnement ainsi que la réalisation d’entrevues auprès d’informateurs-clés.

Madame Cowan-Dewar a fait porter l’analyse documentaire sur les domaines précis que sont les mathématiques, la chimie, la physique, les sciences de l’environnement, la géologie, la technologie de l’information et le génie. Les ouvrages traitant des sciences de la vie ou des sciences biologiques ont été ignorés. La conférencière a examiné les principaux articles et documents tirés de bases de données relatives aux domaines de l’éducation et des sciences et technologies. Pour trouver les ouvrages non publiés, elle a eu recours aux moteurs de recherche Google et Google Scholar. Le site Web de l’American Chemical Society a également constitué une précieuse ressource.

Pour effectuer l’analyse documentaire — axée davantage sur les statistiques que sur les sources documentaires —, Madame Cowan-Dewar a fait des fouilles sur Internet. Elle a aussi joint des organismes, des sociétés et des fournisseurs de services aux handicapés. Enfin, elle a soumis des demandes de renseignements par le biais de serveurs de liste, retracé et joint des intervenants-clés ainsi qu’organisé des rencontres personnelles avec les acteurs concernés.

Madame Cowan-Dewar présente un résumé des faits saillants et des thèmes courants qui se dégagent jusqu’à présent de la recherche :

  • La sous-représentation des personnes handicapées dans les domaines des sciences, de la technologie, du génie et des mathématiques s’observe à la fois en milieu scolaire et sur le marché du travail.
  • Les barrières psychologiques ont été au cœur du phénomène de sous-représentation des personnes handicapées en sciences et technologies, et leur effet se fait encore sentir aujourd’hui. Selon Chemists with Disabilities (CWD), dans les secteurs liés à la chimie, le principal obstacle a trait aux attitudes, notamment celles des employeurs qui se montrent réticents à embaucher des candidats atteints de déficiences.
  • Plus que d’autre pays, les États-Unis financent des études portant sur la représentation des personnes handicapées en sciences et technologies, et ces études s’attardent le plus souvent à la situation qui prévaut dans cette région du monde. L’écart entre les ouvrages et les programmes étasuniens et canadiens est saisissant, tout comme la différence entre le nombre d’organismes et de sociétés qui, dans chaque pays, disposent de programmes, de stratégies ou de mandats étoffés visant les personnes handicapées. Aux États-Unis, les programmes en question relèvent autant du secteur public que du secteur privé.
  • En matière d’enseignement coopératif, les possibilités de stages qui s’offrent aux personnes handicapées sont jugées d’une grande valeur et d’une importance capitale. Madame Cowan-Dewar ajoute que, quelle que soit leur forme, les stages stimulent l’assurance des participants ainsi que l’estime personnelle qu’ils se portent. En outre, ils créent des milieux propices à la défense des intérêts et à l’éclosion de relations fondées sur l’encadrement. La conférencière donne l’exemple d’ENTRY POINT!, un remarquable programme de stages coopératifs que parraine l’American Association for the Advancement of Science et qui compte de nombreux partenaires, y compris la National Aeronautics and Space Administration, la National Oceanic and Atmospheric Administration et le Naval Air Systems Command, les sociétés IBM, Merck, Google, Lockheed Martin, CVS Caremark, Pfizer et Infosys ainsi que divers laboratoires scientifiques universitaires.
  • Professeurs, enseignants et mentors officiels ou officieux jouent un rôle important comme promoteurs — ou au contraire détracteurs — de la participation des personnes handicapées. En plus d’offrir un précieux soutien, les mentors aident leurs protégés à surmonter les obstacles. En outre, ils servent de modèles aux étudiants tout en incitant ces derniers à persévérer dans l’avenue de leur choix.
  • Les études de cas et les histoires de réussite personnelle s’avèrent essentielles à la compréhension des principaux défis que doivent relever les personnes handicapées, lesquels sont passés sous silence dans les ouvrages universitaires. Madame Cowan-Dewar cite l’exemple de Roadmaps & Rampways, la toute première publication à détailler la vie et l’expérience des personnes handicapées, de la jeune enfance aux premières phases de la carrière. Il s’agit là d’un ouvrage « particulièrement éclairant », déclare la conférencière.

Les entrevues auprès des informateurs-clés sont en cours. À ce sujet, Madame Cowan-Dewar explique que les entretiens réalisés jusqu’à présent ont mis en scène des étudiants et des diplômés (ayant ou non un emploi), des fournisseurs de services aux handicapés, des professeurs, des enseignants et des employeurs. Si tout se déroule comme prévu, la conférencière aura, au terme de cette dernière phase du projet, interviewé un total de 30 informateurs provenant de toutes les provinces et de tous les territoires du Canada.

Madame Cowan-Dewar expose les principaux résultats préliminaires de la recherche. Elle donne deux exemples extrêmes qui illustrent le constat voulant que les principaux obstacles aient trait à la stigmatisation, à l’ignorance et aux perceptions erronées concernant les aptitudes des personnes handicapées :

  • Le premier exemple provient d’une université canadienne qui a refusé à un étudiant en génie la possibilité de suivre un nombre réduit de cours. De nombreux intervenants, dont le doyen associé et l’agent d’aide scolaire, ont dit à l’étudiant qu’il ne pourrait jamais devenir ingénieur. On l’a même invité à « plier bagage et rentrer chez lui » ! Deux fois plutôt qu’une, l’étudiant a interjeté appel de la décision. Seule la menace d’une plainte relative aux droits de la personne a convaincu l’université de consentir à des aménagements. Le deuxième exemple met en cause un candidat à un emploi au sein d’une société du secteur de la technologie. Atteint d’une déficience visuelle, le candidat a appris, lors de la troisième ronde d’entrevues, qu’il ne serait pas retenu en raison de l’investissement excessif — en temps et en argent — exigé de l’employeur pour offrir les aménagements nécessaires à l’exercice de sa fonction.
  • D’autres entrevues ont mis en lumière, d’une part, le malaise que suscite, chez certains enseignants et étudiants, la présence de personnes handicapées en classe et, d’autre part, la méconnaissance des capacités et aptitudes des personnes handicapées ainsi que l’absence généralisée de soutien avec laquelle doivent composer ces dernières tout au long de leurs études.

Un autre thème courant concerne la pertinence et le moment de la déclaration d’une déficience lors d’une entrevue d’emploi. Parmi les obstacles physiques que doivent surmonter les personnes handicapées, Madame Cowan-Dewar souligne l’inaccessibilité des salles de classe et des lieux de travail, l’inaccessibilité des industries et, plus particulièrement, l’inaccessibilité des laboratoires scientifiques.

Priés de proposer des mesures de soutien et des services pouvant contribuer à une meilleure représentation des personnes handicapées, les informateurs-clés ont préconisé la création de liens entre employeurs et employés, la prestation possible de stages rémunérés, la multiplication des occasions d’emploi en sciences et technologies, le déploiement de campagnes publicitaires et de campagnes d’information aux fins de sensibilisation ainsi que le recrutement énergique de personnes handicapées par les établissements scolaires et les industries.

D’un commun accord, les personnes interviewées ont insisté sur la valeur des programmes structurés et non structurés de mentorat. En outre, elles ont recommandé la mise à l’avant-scène des modèles en sciences et technologies auxquels pourraient s’identifier les personnes handicapées. Madame Cowan-Dewar précise que l’objectif ultime de son travail consiste à mettre au point et à publier un guide de ressources intitulé La promotion de carrières dans les domaines de la science et de la technologie auprès des étudiants et des nouveaux diplômés handicapés : exemples à suivre, pratiques d’excellence et ressources.

Produit en français et en anglais, le guide de ressources sera offert sur différents supports : disque CD-ROM, vidéodisque numérique, réseaux en direct, support papier et médias substituts. On y trouvera des listes de ressources, des liens menant à des sites Web, les noms d’intervenants-clés, un ensemble de pratiques d’excellence relatives à l’emploi dans le secteur des sciences et de la technologie ainsi que bon nombre d’histoires de réussite et de récits d’expériences personnelles.

Pour conclure son exposé, Madame Cowan-Dewar insiste sur deux messages particuliers. Tout d’abord, bien que le Canada tarde à assurer une représentation des personnes handicapées dans le secteur des sciences et de la technologie — ce qui alimente une certaine frustration —, il existe des programmes efficaces et bien établis sur lesquels appuyer les efforts à venir. Ensuite, on n’insistera jamais trop sur la valeur des relations de mentorat et des programmes de stages bien structurés.

Sciences et déficience : la réussite d’une étudiante

Atteinte d’une forme grave d’arthrite, diagnostiquée dès l’âge de 18 mois, Marie-Ève Veilleux a affronté toute sa vie de sérieux problèmes de mobilité. En outre, la maladie a progressivement détruit ses genoux, ses hanches, ses poignets et ses doigts. Pour elle, il est très douloureux d’écrire ou de porter des livres, ce qui a grandement entravé sa vie d’étudiante. Aucune de ses articulations n’a été épargnée. Au terme de nombreuses et pénibles chirurgies, Madame Veilleux a recouvré l’usage de ses jambes. « Cependant, il m’est encore difficile de marcher », ajoute-t-elle.

Titulaire d’un baccalauréat en microbiologie et immunologie de l’Université McGill, Madame Veilleux a entrepris ses études par simple désir d’en savoir plus sur sa maladie. Elle se doutait bien qu’elle ne réussirait jamais à occuper un poste dans un laboratoire. En tentant d’obtenir un diplôme scientifique, elle choisissait une voie parsemée d’embûches, qu’il s’agisse d’évoluer dans des laboratoires, de rédiger des travaux ou d’effectuer des recherches. Sa participation à la conférence démontre cependant que le projet était réalisable, « car je l’ai fait », lance l’intéressée.

Avec le concours du Bureau des services aux étudiants handicapés de l’Université McGill, Madame Veilleux a tenté de trouver des solutions inventives en vue de répondre aux exigences de son programme d’études. Sa stratégie consistait à miser sur la participation de tous les intervenants concernés, à chaque étape du processus. La conférencière est très reconnaissante envers l’université, qui dès le départ lui a permis de tirer parti d’aménagements courants. Cependant, elle voulait également explorer certains des obstacles auxquels font face les étudiants handicapés qui s’inscrivent à des programmes scientifiques comportant des travaux en laboratoire.

Les personnes ayant une déficience visuelle éprouvent des difficultés particulières lorsqu’elles ont à utiliser un microscope, par exemple pour reconnaître la couleur de bactéries. Certaines tâches élémentaires — comme manipuler une pipette ou boutonner un sarrau de laboratoire — étaient hors de la portée de Madame Veilleux. Cette dernière cependant a pu compter sur un accompagnateur chargé de faire tout ce dont elle était incapable : nouer ses cheveux, enfiler ses gants, exécuter ses examens pratiques, et ainsi de suite. Ainsi, la conférencière a pu s’affairer à analyser les résultats et répondre aux questions.

Madame Veilleux reconnaît que cette solution n’était pas la meilleure. Par exemple, il était gênant pour elle de demander sans cesse que l’on exécute des tâches à sa place. C’est pourquoi l’année suivante, plutôt que de s’associer à un accompagnateur, elle a intégré une équipe de trois personnes, là où d’ordinaire on n’en compte que deux. Ainsi, pendant que ses deux condisciples réalisaient les travaux de laboratoire, il lui était possible de faire des observations et de consigner des données. Plutôt qu’un examen pratique, elle a dû subir un examen écrit prévoyant la description des expériences et des résultats ainsi que la rédaction d’une conclusion.

Cette nouvelle approche a porté des fruits. La conférencière a vu s’évanouir son stress et son anxiété et s’améliorer son rendement scolaire.

Madame Veilleux exhorte les étudiants handicapés à collaborer avec le personnel de leur université en vue de définir des aménagements appropriés. En outre, elle les incite à s’adresser directement aux enseignants plutôt qu’à faire appel à une armée d’intervenants. « Parfois cela vaut mieux. Parfois, on n’a simplement pas l’énergie de faire autrement », explique-t-elle.

Lorsqu’il s’agit de réclamer ou d’obtenir des aménagements, Madame Veilleux croit qu’aucune méthode n’est fondamentalement bonne ou mauvaise. Les étudiants doivent trouver des solutions adaptées à leurs besoins.

Selon Madame Veilleux, un autre problème a trait au nombre de cours à suivre, souvent très élevé dans les programmes scientifiques. Par ailleurs, déjà confrontés au stress qu’impose leur déficience, les étudiants risquent d’être écrasés par le stress lié aux cours théoriques. Après le début de ses cours, Madame Veilleux a découvert qu’elle pouvait poursuivre ses études à temps partiel, ce qui a grandement contribué à rehausser ses notes et à améliorer sa qualité de vie. Aux étudiants dont les niveaux d’énergie sont faibles, Madame Veilleux recommande d’envisager la poursuite d’études à temps partiel et la présentation d’une demande de bourse. À son avis, sans égard aux politiques — au demeurant discutables — qui prévoient l’octroi de bourses aux seuls étudiants à temps plein, personne ne devrait se voir interdire de soumettre sa candidature.

Une fois son diplôme scientifique en poche, Madame Veilleux a constaté qu’il n’était pas facile de décrocher un emploi. La plupart des cheminements de carrière avancés envisageables, compte tenu de ses limites physiques, lui semblaient dénués d’intérêt. Puis, se découvrant un talent et une passion pour les langues, elle a décidé de s’orienter vers la traduction scientifique. Pour 2009, la conférencière s’est fixé l’objectif de poursuivre des études de maîtrise en épidémiologie, un programme scientifique de cycle supérieur qui fait appel aux statistiques plutôt qu’au travail en laboratoire.

Madame Veilleux tire sa plus grande fierté d’avoir réussi à faire mentir ses détracteurs. Elle espère que son exemple poussera toutes les personnes handicapées à s’inscrire au programme de leur choix.

Occasions et ouverture d’esprit : commentaires spontanés sur la sécurité de la permanence

Selon Kathryn Woodcock, si les personnes ayant une déficience auditive n’étaient pas sous-représentées dans le monde universitaire, le Canada ne compterait pas deux professeurs d’université atteints de surdité, mais bien 300 !

Ingénieure et professeure, Madame Woodcock a été nommée au Conseil consultatif des normes d’accessibilité de l’Ontario. De plus, elle est la première personne sourde à exercer la présidence de la Société canadienne de l’ouïe.

Madame Woodcock convie l’auditoire à un retour vers le passé, à l’époque où elle faisait ses études de premier cycle. Sa stratégie consistait alors à occuper un siège à l’avant de la classe et à lire sur les lèvres. Cette solution s’avérait plutôt problématique quand l’enseignant passait le plus clair de son temps à écrire au tableau. Ce n’est que plus tard que Madame Woodcock a compris que les enseignants donnaient des explications tout en maniant la craie. Voilà donc pourquoi ses notes étaient si mauvaises ! Du coup, la conférencière s’est crue bien peu intelligente ...

Madame Woodcock a souvenir d’un enseignant qui, bien qu’au courant de sa surdité, persistait à arpenter la classe de long en large tout en donnant son cours. L’étudiante parvenait à saisir son propos lorsqu’il s’avançait vers elle, mais pas lorsqu’il s’éloignait. Ainsi va la vie ! Ne pouvant compter sur l’appui d’aucun service aux handicapés et plongée dans une culture peu respectueuse des écarts d’aptitudes, Madame Woodcock devait faire son possible pour se débrouiller. « À l’époque », dit-elle, « il n’y avait d’autre choix que de se secouer ».

Une fois terminées les études de Madame Woodcock, sa candidature a été « imposée à une entreprise » qui lui confiait des tâches atroces, comme répondre au téléphone alors qu’elle ne pouvait saisir que les voyelles. En ces temps-là, les chances de trouver un emploi en génie étaient bien minces pour une femme, à plus forte raison handicapée ! Mais un heureux coup du sort a permis à la conférencière de se réorienter vers le domaine des soins de santé.

Madame Woodcock attribue son premier poste de direction en milieu hospitalier à la chance ainsi qu’à la ténacité qui sous-tend la culture des ingénieurs. Cette ténacité l’a aidée à s’attarder non pas à ses déficiences, mais bien à ses atouts : une pensée systématique et une bonne aptitude à écrire.

Madame Woodcock explique que sa première stratégie d’adaptation a été de « faire semblant », c’est-à-dire toujours se présenter sous son meilleur jour. En conséquence, la question de sa déficience auditive n’a jamais été abordée lors des entrevues. À son avis, les personnes se font des lectures différentes des étiquettes. Bien qu’il soit fondamental de déclarer ses déficiences, « la précipitation s’avère parfois fatale en cette matière », avertit la conférencière.

Tout en exerçant ses fonctions en milieu hospitalier, Madame Woodcock a fait des études de maîtrise à temps partiel, appris le langage gestuel et, plus tard, obtenu un doctorat. Mais, précise-t-elle, son parcours n’a pas toujours été ponctué « de moments de bonheur et d’entraide ». De nombreuses promesses d’accès sont restées lettre morte. Ainsi, les universités n’ont pas réussi à recruter les interprètes dont ils avaient accepté au préalable de payer les honoraires. Par ailleurs, les sociétés des sciences ont soit refusé de fournir des interprètes, soit fourni des interprètes en refusant de laisser la lumière allumée pour que la conférencière puisse les voir.

Ces événements ont poussé Madame Woodcock à formuler une deuxième stratégie d’adaptation : « Ne jamais se contenter d’un simple consentement ! » La conférencière exhorte les participants à veiller à ce que leurs besoins soient vraiment comblés et à toujours s’attendre au pire.

Les personnes intelligentes qui croient détenir le monopole de la vérité posent un autre défi. Dans le secteur des sciences et de la technologie, ces personnes sont à l’origine de la « technologisation » des méthodes d’accès ainsi que de l’élimination des intermédiaires humains. Pourtant, la communication ne résume pas au message ; elle englobe également la relation qui s’établit entre l’émetteur et le récepteur du message.

Sur un plan plus personnel, Madame Woodcock souligne l’importance que revêt l’enrichissement des rapports humains, pour elle qui est atteinte du syndrome d’Asperger. Parce que l’humain fait des suppositions erronées, il est essentiel de toujours énoncer ce que l’on veut — ou ne veut pas — et de toujours justifier ses choix. « Vous devez former les gens, même si telle n’était pas votre intention au départ », lance la conférencière. Cette règle vaut tout particulièrement pour les rapports avec les « spécialistes » de la surdité qui, sans être malentendants, statuent que les études sur la surdité devraient être l’apanage des sourds. Pour composer avec de telles gens, il existe un éventail de solutions qui vont des sanglots aux vertes dénonciations dans le courrier des lecteurs !

La troisième stratégie d’adaptation que préconise Madame Woodcock consiste à « choisir judicieusement ses batailles ».

Madame Woodcock offre une mise en garde aux délégués : le choix d’un secteur à forte demande ne comporte aucune garantie de décrocher un emploi. Une quatrième stratégie d’adaptation s’impose, soit « offrir quelque chose de spécial ». Les gestionnaires de niveau inférieur y trouveront le courage de « vanter leurs aptitudes auprès de leur patron ». La conférencière insiste également sur l’importance de se fixer des objectifs, quitte à les modifier au quotidien. À son avis, toute personne devrait avoir un objectif dont elle pourrait parler avec enthousiasme lors d’une entrevue.

Aux participants, Madame Woodcock fait valoir qu’à défaut de pouvoir se créer des occasions qui leur soient favorables, ils ont la possibilité d’empêcher que certains événements ne surviennent. « Vous devez être prêts à accueillir la chance », lance-t-elle. Notre parcours peut nous mener n’importe où, à condition de connaître la destination que l’on vise.

Discussion

Un fournisseur de services aux handicapés prie Madame Woodcock de proposer des solutions inventives en vue de pousser les facultés qui adoptent la « ligne dure » à négocier la mise en place d’installations accessibles.

Madame Woodcock répond que la ténacité est un élément sous-jacent de la culture des facultés de génie. Une solution consisterait peut-être à recadrer l’enjeu de l’accessibilité pour en faire un problème de construction. Par exemple, le jour où la société Disney a chargé ses ingénieurs d’assurer l’accessibilité de ses parcs d’attractions thématiques, les intimés ont mal réagi aux dimensions sociales du mandat. Par contre, il a suffi que ce dernier soit présenté comme un problème de construction pour que les ingénieurs se convainquent qu’eux seuls pourraient trouver la meilleure solution.

Reconnaissant l’importance de l’interaction humaine, un délégué rappelle que les solutions techniques au défi de l’accessibilité ont été utiles aux personnes handicapées qui refusaient de dévoiler leur condition. Il pose la question suivante : « Où devons-nous établir la distinction ? »

Madame Woodcock souligne qu’il existe une différence entre les technologies, selon que leur but consiste à assurer un accès ou à réaliser des économies. À son avis, au même titre que les humains qui exercent la fonction d’interprète, la technologie agit comme élément médiateur de l’interaction entre personnes handicapées et autres membres de la société. La difficulté tient partiellement aux perceptions, en ce sens que les gens croient que la technologie se greffe aux personnes atteintes de surdité. « Ils voudraient que le problème émane de moi, et non d’eux ! » La conférencière s’étonne cependant de la hâte avec laquelle on cherche à éliminer l’interaction humaine, surtout là où elle s’avère efficace.

Priée de désigner les bases de données qu’elle a utilisées et de préciser leur niveau d’accessibilité, Madame Cowan-Dewar répond qu’elle a eu recours à des bases de données propres aux domaines de l’éducation et de la technologie. Avouant ne pas être une spécialiste de l’accessibilité des bases de données, elle se dit désolée que de tels outils ne soient pas ouverts à tous.

Un autre participant demande à savoir si le gouvernement du Canada incite les étudiants handicapés à faire carrière dans le secteur des sciences et de la technologie. Madame Cowan-Dewar réplique qu’en ce domaine, par rapport au Canada, les États-Unis sont plus avancés dans la voie du progrès, et ce, même en ce qui touche les lois — comme le démontre l’exemple de l’Americans with Disabilities Act.

Interrogée quant à l’utilité de publier un guide de ressources pour s’attaquer à un problème qui semble structurel, Madame Cowan-Dewar répond que le partage de pratiques d’excellence et d’histoires de réussite personnelle aiderait les lecteurs à se mettre à la place des personnes handicapées, à bien comprendre leur parcours et à saisir l’ampleur des défis qu’ils ont à relever. À son avis, la mise à l’avant-scène de personnes handicapées qui connaissent du succès contribuerait à lancer un débat et ouvrirait la porte à un dialogue.

En réponse à une question concernant la prise en compte des expériences des femmes, Madame Cowan-Dewar réaffirme son souci constant des enjeux propres à chacun des sexes. Elle ajoute que l’analyse documentaire révèle l’existence d’énormes écarts entre hommes et femmes. La conférencière remercie l’auditoire de lui rappeler l’existence de cet autre défi.

Priée de s’étendre sur la possibilité que les étudiants à temps partiel soumettent des demandes de bourse, Madame Veilleux confirme que cette avenue est à la portée des étudiants handicapés. Saluant l’Université McGill University pour ses politiques et pour la souplesse dont elle fait preuve, la conférencière avance que les étudiants handicapés à temps partiel n’auraient pas à lutter si fort pour obtenir des bourses si ce dossier était traité à l’échelon national ou provincial, plutôt qu’au niveau actuel.

Un membre de l’auditoire qui travaille au Bureau de la condition des personnes handicapées du Canada rappelle que le gouvernement fédéral dispose d’un Fonds pour l’accessibilité. Les délégués qui veulent en savoir plus pourront trouver en ligne toute l’information pertinente.

On demande à savoir si des défis supplémentaires se posent aux femmes handicapées qui évoluent dans les domaines à prédominance masculine que sont les sciences et les technologies. Madame Woodcock réagit en ces termes : « La personne est un individu. En tentant de joindre un groupe, elle fait nécessairement siennes les limites que comporte cette affiliation. On ne peut changer qui l’on est. Le véritable enjeu consiste à savoir s’il y a moyen d’en tirer quelque chose de positif. »

Conférencier d’honneur: L’honorable David C. Onley, lieutenant-gouverneur de l’Ontario

D’entrée de jeu, David Onley salue les étudiants handicapés de tout le Canada pour les efforts qu’ils déploient et pour la détermination dont ils font preuve. Il explique ensuite que le poste qu’il occupe lui donne une occasion unique de « parler franchement à l’autorité, au nom des personnes dont la voix se perd dans la société » et, ce faisant, de sensibiliser le public à une cause importante dont il a fait le thème déterminant de son mandat : l’accessibilité.

Définissant l’accessibilité comme « tout ce qui permet aux personnes de réaliser leur plein potentiel » — une définition qui impose d’abattre des barrières psychologiques —, Monsieur Onley avance que la barrière psychologique la plus subtile tient à l’hypothèse erronée qui fait rimer déficience avec incapacité, tout particulièrement dans une perspective d’emplois.

Contrairement à ce que croient de nombreux employeurs, il ne faut guère d’aménagements et il en coûte peu pour favoriser l’accès des personnes handicapées aux milieux de travail. Monsieur Onley cite une étude, réalisée par le Job Accommodation Network de l’United States Department of Labor, selon laquelle 46 % des employeurs n’ont pas un sou à débourser pour adapter le lieu de travail d’une personne handicapée, alors que 45 % doivent engager une dépense ponctuelle de moins de 500 dollars.

Monsieur Onley croit que de telles légendes et perceptions fautives ont alimenté les résultats qui se dégagent de la plus récente Enquête sur la participation et les limitations d’activités, réalisée par Statistique Canada. En 2006, cette dernière a observé un taux de chômage et d’inactivité de 49 % parmi les personnes handicapées, comparativement à 20 % parmi l’ensemble de la population. En revanche, selon l’enquête, les personnes handicapées constitueraient le plus vaste bassin de main-d’œuvre encore inexploité au Canada. Monsieur Onley fait état de nombreuses études selon lesquelles l’embauche de personnes handicapées contribuerait à l’obtention de meilleurs résultats par les employeurs, enrichirait le tissu social et économique de la société, augmenterait le nombre de contribuables et accroîtrait l’autonomie financière des handicapés.

Monsieur Onley dit saisir chaque occasion de transmettre ce message aux gens d’affaires. En effet, en vue d’améliorer les possibilités d’emploi offertes aux personnes handicapées, il faut avant tout renverser la barrière découlant de l’attitude de la plupart des employeurs, qui hésitent à embaucher ces candidats ou qui s’y refusent carrément.

Citant une évaluation faite par LimeConnect, un organisme de recrutement sans but lucratif dont le siège social est à New York, Monsieur Onley indique qu’aux États-Unis, les personnes handicapées contrôleraient un revenu annuel global de plus de mille milliards de dollars — un marché naissant dont la taille équivaudrait à celle du marché de la Chine. Pour le compte de clients de prestige, LimeConnect pratique un recrutement intensif en puisant dans le bassin grandement sous-exploité des candidats handicapés talentueux que l’on retrouve sur les campus de tous les États-Unis.

Au cours des deux dernières décennies, les universités et collèges étasuniens ont vu progresser de plus de 300 % le pourcentage de handicapés au sein de leurs effectifs d’étudiants de première année. Soucieuse d’agir comme trait d’union entre des sociétés éclairées et des diplômés handicapés, LimeConnect a commencé cet automne à s’intéresser au marché de l’Ontario. L’organisme compte parmi ses clients des sociétés comme Google et Pepsi-Cola qui reconnaissent le potentiel stupéfiant qu’offrent les personnes handicapées sur le plan de l’emploi. En Amérique du Nord, le marché du travail compte environ 15 % de personnes qui sont atteintes d’une déficience quelconque. « Combien recense-t-on d’entreprises qui pourraient se permettre d’ignorer tous ces gens, surtout dans la conjoncture économique difficile que nous connaissons ? », demande Monsieur Onley. Sa réponse : aucune qui tienne à continuer de brasser des affaires !

Tout se résume à une question d’attitude. Pendant des années, Monsieur Onley a prononcé une allocution, ayant pour thème « nous sommes tous atteints d’une déficience, quelle est la vôtre ? », dans laquelle il demandait aux gens venus l’écouter ce qu’ils remarquent d’abord au moment de faire la connaissance d’une personne handicapée. Dans un monde idéal, on ne remarquerait que les capacités de la personne, mais en vérité nous remarquons tous la déficience. Telle est la nature humaine ! L’essentiel consiste à tâcher de découvrir le vrai visage de la personne plutôt que de porter un jugement de valeur inspiré par des attributs superficiels.

Monsieur Onley cite les propos de Roger Crawford, un homme qui, bien qu’atteint de graves déficiences physiques à la naissance, est devenu tennisman émérite au niveau collégial, puis professeur accrédité par la United States Tennis Association. Il a dit : « La seule chose qui nous distingue, c’est que vous pouvez voir ma déficience alors que je ne peux voir la vôtre. Nous avons tous des déficiences. On me demande souvent comment j’ai pu surmonter mes déficiences physiques. Je réponds que je n’ai jamais surmonté quoi que ce soit. J’ai simplement appris à connaître mes incapacités. Par exemple, je serais incapable de jouer du piano ou de manger du riz avec des baguettes. Mais par-dessus tout, j’ai appris à connaître mes capacités. Et je m’investis corps et âme dans tout ce dont je suis capable ! »

D’ajouter Monsieur Onley, si nous apprenions tous à voir au delà des incapacités, nous vivrions dans une société qui n’exclut plus personne et qui accueille et appuie toute la gamme des capacités humaines.

Pour faire mieux saisir cette idée, Monsieur Onley relate une histoire racontée par Bob Morris, d’Interserve Canada, à l’occasion de la Fair Havens Bible Conference. Au milieu des années 1960, alors qu’il occupait un poste de professeur d’anglais au Don Mills Collegiate Institute, Monsieur Morris fit la rencontre d’un curieux jeune homme nommé Gerry. Ce dernier était inscrit à un cours d’anglais de 10e année destiné aux étudiants que l’on croyait incapables d’entreprendre des études postsecondaires. L’enseignant décida quand même d’expliquer à sa classe le phénomène des médias de masse, encore nouveau à l’époque. Il offrit notamment une citation de Marshall McLuhan : « Nous ne savons pas qui a fait la découverte de l’eau, mais il ne s’agissait assurément pas d’un poisson. »

Voyant que le sens de la citation échappait à Gerry, Monsieur Morris proposa aux étudiants d’y réfléchir avant de reprendre la discussion le lendemain. Le jour dit, Gerry donna une explication limpide de la citation : « L’eau constitue le milieu de vie du poisson. Il s’agit de sa vision du monde. La chose dont nous sommes les moins conscients, c’est notre cadre de référence, à savoir le milieu dans lequel nous vivons et évoluons. Par conséquent, le poisson serait le dernier être sur Terre à faire la découverte de l’eau, car il ne connaît pratiquement rien d’autre ! »

Estomaqué, Monsieur Morris demanda à Gerry d’où lui était venue cette réponse. L’autre répliqua : « Une fois rentré chez moi, j’ai joint Monsieur McLuhan au téléphone. Il m’a parlé une bonne demi-heure et m’a donné des explications jusqu’à ce que je comprenne ce qu’il voulait dire. »

Comme le précise Monsieur Onley, l’enseignant aurait très bien pu se désintéresser de Gerry et ne voir en lui qu’un jeune destiné à la médiocrité, indigne d’apprendre quoi que ce soit à propos de Marshall McLuhan. Mais il ne l’a pas fait, et Gerry a sans doute très bien su se frayer un chemin dans la vie.

Monsieur Onley s’efforce de diffuser ce message dans tout l’Ontario, incitant ses auditeurs à voir au delà des déficiences lorsqu’ils échangent avec des personnes handicapées ou considèrent l’embauche de tels candidats. Les handicapés ont la même éthique du travail que tous les autres. Il leur faut une seule chose : l’occasion de révéler leurs talents. S’il n’avait eu lui-même cette chance, Monsieur Onley ne serait pas là aujourd’hui à s’adresser aux délégués de la conférence.

Ayant été l’une des premières personnes atteintes d’une déficience visible à se retrouver au petit écran, Monsieur Onley dit être parfois perçu comme un modèle. À son avis, cependant, le véritable modèle pour les employeurs devrait être Moses Znaimer, ancien président de CityTV, qui a osé l’embaucher il y a 23 ans pour occuper un poste en ondes.

Monsieur Onley relate sa participation à une activité estivale organisée à Bracebridge, en Ontario. Pour l’introduire, le crieur du village a décidé de comparer l’accessibilité à une vulgaire porte. Le crieur a posé des questions que Monsieur Onley partage avec les délégués : Le non-voyant peut-il trouver la porte ? La main de la personne atteinte d’arthrite peut-elle tourner la poignée ? La personne ayant une blessure au bras peut-elle pousser la porte pour l’ouvrir ? La personne à mobilité réduite peut-elle franchir le pas de la porte ? Les personnes non handicapées, enfin, sont-elles disposées à ouvrir la plus importante de toutes les portes, celle de leur esprit ?

« Choisirons-nous aujourd’hui d’aider ceux et celles qui attendent sur le seuil de la porte des incapacités ? », demande Monsieur Onley. Si oui, ajoute-t-il, alors ce sera à nous de transformer les incapacités en capacités, peu importe qui nous sommes et peu importe les défis auxquels nous faisons face.

En qualité de premier lieutenant-gouverneur de l’Ontario à être atteint d’une déficience physique, Monsieur Onley dit vouloir continuer d’insister auprès des employeurs pour qu’ils portent leur regard au delà des incapacités, de façon à considérer le potentiel infini qui sommeille en chacun de nous. Il leur rappellera que les participants de la conférence de NEADS s’affairent à assurer une belle vie et un meilleur avenir à la prochaine génération de chefs de file canadiens.

Au nom de la Couronne, Monsieur Onley félicite tous les intervenants de NEADS du travail accompli au cours des deux dernières décennies. Il souhaite à tous les délégués une conférence des plus productives.

Banquet de la conférence de NEADS

  • David Moore, BMO Groupe financier
  • Sandi Bell, Commissaire à temps partiel, Commission canadienne des droits de la personne, Présidente, EMPOWWORD Inc.

Déclaration préliminaire

« BMO est fière de compter parmi les commanditaires platine » de la Conférence nationale de 2008 de NEADS, affirme David Moore, dont l’allocution porte sur certaines des initiatives que BMO a lancées dans le cadre de son partenariat de longue date avec NEADS.

Créé en 2005, le programme Action-Éducation favorise l’accès à l’éducation des étudiants handicapés « talentueux, mais mal appuyés », explique Monsieur Moore. Une fois par année, BMO recueille toutes les commissions perçues sur les transactions effectuées au cours de la journée et en fait don à des organismes qui travaillent à améliorer l’accès à l’éducation. La première année, on a ainsi amassé quelque 1,6 million de dollars. Cette somme a atteint 6,6 millions de dollars en 2008, ce qui a permis d’offrir une aide à 2 000 étudiants.

De déclarer Monsieur Moore, « une partie de la motivation de BMO tient simplement au fait qu’il s’agit de la bonne chose à faire ». Cela dit, BMO Groupe financier en retire d’importants avantages. « En contribuant à l’enrichissement de la diversité de la main-d’œuvre et en aidant des gens brillants à réaliser leurs ambitions », l’entreprise participe à la constitution d’un bassin d’employés éventuels, intelligents et très motivés.

Par le biais du programme Action-Éducation, BMO a fourni des sommes qui ont servi à soutenir d’importants projets réalisés par NEADS. Parmi eux, on compte la tenue des forums pancanadiens sur les stratégies de recherche d’emploi — lesquels donnent lieu à des échanges interactifs avec des experts au sujet du passage de l’école au marché du travail —, l’octroi de bourses à onze étudiants ainsi que l’exploitation du Système d’emploi en ligne de NEADS (NOWS), aujourd’hui consulté par une centaine d’employeurs et par 1 700 étudiants de niveau postsecondaire. Monsieur Moore souligne que, tout comme l’un de ses concurrents, BMO consulte le site d’emplois pour recruter des candidats talentueux de premier ordre.

En tant que parent d’un enfant atteint d’autisme, Monsieur Moore commence à saisir l’ampleur des défis que doivent relever au quotidien les personnes handicapées. Aux yeux de BMO Groupe financier, ces hommes et femmes constituent « un bassin énorme et inexploité de ressources qui présentent une foule d’aptitudes ». Au cours des seize dernières années, l’entreprise a triplé le taux de représentation des personnes handicapées au sein de ses effectifs.

Monsieur Moore conclut en ces termes : « Il ne suffit plus de faire la bonne chose ; nous devons également nous assurer d’agir efficacement ».

Conférencière d’honneur : Sandi Bell

Aux délégués, Sandi Bell raconte l’histoire d’une enfant de sang mixte, née à Montréal et nommée Jane. Très jeune, celle-ci est confiée à une société d’aide à l’enfance qui craint que personne ne veuille adopter une fillette métissée. Par chance, l’organisme déniche une femme cancéreuse dont le conjoint est de race noire. Jane est ainsi « prêtée » à ces gens, attendu que l’espérance de vie de la nouvelle mère n’est que de six mois.

Contre toute attente, la pauvre femme vivra encore sept ans avant que le cancer en vienne à « faire son œuvre », ce qui lui laissera tout de même le temps de s’attacher à la fillette et de l’adopter. Au lendemain des funérailles, Jane et son père adoptif s’établissent dans la demeure d’une femme avec qui l’homme entretenait déjà une liaison. Le lendemain, Jane est violentée pour la première fois de sa vie.

Les années suivantes verront Jane souffrir d’épouvantables sévices. Le moindre écart servira de prétexte : détourner le regard, porter des chaussettes de la mauvaise couleur, et quoi d’autre encore ! Un mégot lancé au visage lui coûtera la vue d’un œil. Ses incisives ne résisteront pas aux coups qui, souvent, poussent à l’évanouissement. Pire encore, on la traitera de laideron, d’idiote, de moins-que-rien, d’être détestable et détesté. À l’âge de 13 ans, alors que la marâtre l’agresse à coups de manche à balai, Jane menace de la dénoncer à son père. L’autre éclate de rire et annonce à l’adolescente qu’elle est fille adoptive. « Tu n’as pas de père », hurle la femme !

Jane décide alors de mettre fin à ses jours, mais s’en voit incapable. Elle est retenue par la peur de brûler en enfer, mais aussi par l’espoir. Cet espoir lui vient d’un livre à propos de Harriet Tubman, esclave jusqu’à l’âge de 13 ans et victime d’agressions sauvages perpétrées par son maître. « Si Harriet Tubman a pu échapper à l’esclavage, alors je peux m’échapper de cette maison », pense l’adolescente.

Jane abandonne ses études et s’enfuit, n’emportant pour seuls biens que ses vêtements. Elle s’adresse à la société d’aide à l’enfance pour savoir si la loi peut lui rendre sa liberté, mais l’organisme, qui ne sait quoi faire d’elle, la confie à une maison pour filles dévoyées, où elle côtoie voleuses et prostituées. Ballottée d’une famille d’accueil à l’autre, meurtrie par des années de violence physique, psychologique et sexuelle, elle ne peut acquérir les aptitudes sociales nécessaires à la vie au sein d’une famille normale.

Jane persévère néanmoins. Elle vit seule au YWCA et retourne à l’école. Elle connaît l’amour, se marie et donne naissance à trois enfants. Elle poursuit ses études et devient chef de file de sa collectivité. Puis, un jour, sa route croise celle d’un chauffard ivre qui la cloue à jamais dans un fauteuil roulant. L’histoire de Jane est celle de Madame Bell ...

« Pourquoi voulais-je partager ainsi mes souffrances avec vous ? », demande la conférencière aux participants. « Parce que la vie est difficile. Mais croyez-moi, on peut s’en sortir ! » En veillant à leur instruction en dépit des défis et des obstacles et en participant à des conférences comme celle-ci, en vue de perfectionner leurs aptitudes professionnelles, les délégués s’assurent de devenir de futurs chefs de file.

Madame Bell expose quelques statistiques économiques qui donnent froid dans le dos :

  • Plus de 60 % des femmes handicapées sont sans emploi, et leur revenu médian dépasse à peine 8 300 dollars. Pour leur part, les hommes handicapés ont un revenu médian légèrement supérieur à 19 000 dollars.
  • Au Canada, les parents d’enfants handicapés sont cinq fois plus sujets que les autres à vivre dans la pauvreté.

« Est-il sage et intelligent pour vous de poursuivre des études ? Et comment ! », déclare Madame Bell.

Huit pour cent des établissements d’enseignement postsecondaire disent n’offrir aucun programme particulier pour les étudiants handicapés, et seuls 2 % de ces derniers ont recours aux services liés aux dits programmes. Les handicapés sont nettement plus nombreux à fréquenter les collèges communautaires et cégeps — un signe, devine Madame Bell, que ces candidats sont écartés des voies menant à l’obtention d’un diplôme universitaire. La conférencière souligne que le Québec présente le plus faible d’effectifs handicapés, soit 0,66 % comparativement à 6 % dans les autres provinces.

Madame Bell aborde certains jugements rendus par les tribunaux fédéraux ou la Cour suprême en ce qui touche les droits des personnes handicapées. Elle évoque notamment une cause mettant en scène une étudiante exceptionnelle à qui l’on interdisait de fréquenter une école privée, sous prétexte qu’elle souffrait de paralysie cérébrale, ainsi qu’une cause concernant une secrétaire autochtone que l’on avait poussée à la démission et ouvertement accusée de folie après qu’elle ait fait un exposé aux étudiants à propos des croyances et de la spiritualité des Premières nations.

Dans les deux cas, les tribunaux ont jugé discriminatoires les pratiques des établissements d’enseignement. Cependant, ayant été rendus des années trop tard, les jugements n’ont guère été utiles aux personnes lésées. D’affirmer Madame Bell, « vous serez les chefs de file de demain, et il vous incombera de prendre fermement position pour garantir que de telles situations ne se reproduisent plus ».

Madame Bell commente brièvement l’obligation de mettre en place des aménagements, expliquant la décision des tribunaux d’exiger que le motif de « préjudice injustifié » — qu’employeurs et établissements d’enseignement peuvent invoquer pour se soustraire à cette obligation — ne s’appuie pas exclusivement sur des considérations financières. De préciser la conférencière, « nous savons tous que les aménagements s’avèrent assez peu coûteux. Souvent, c’est l’attitude des employeurs ou des établissements d’enseignement qui mériterait plutôt d’être rajustée ! » De même, de nouveaux motifs comme le « risque » ou le « préjudice au moral du personnel ou des étudiants » ne peuvent être invoqués sans preuve solide. Quiconque affirme qu’il est démoralisant pour une équipe de « soutenir » des membres ayant des déficiences ou qu’il est exagérément dangereux pour des individus de côtoyer des personnes atteintes de maladie mentale raconte des balivernes, croit Madame Bell. Cette dernière incite les participants à communiquer avec elle pour obtenir de plus amples renseignements sur les causes traitant des droits de la personne.

Les réclamations fondées sur les droits de la personne nécessitent un énorme investissement en temps, en argent et en ressources émotives. La prévention s’impose afin d’éviter, au départ, que les demandeurs aient à soumettre une réclamation. Exprimant sa profonde gratitude à l’égard des personnes soignantes, Madame Bell somme ces dernières de joindre sa lutte, d’une part en interpellant les conseillers de leur municipalité, les représentants de leur administration provinciale et les députés de leur assemblée législative et, d’autre part, en prenant position lorsqu’ils observent des situations problématiques dans leur milieu de travail.

Madame Bell salue l’excellent travail accompli par NEADS. « Sans vous, je crois que nous ne compterions pas autant d’étudiants handicapés dans nos établissements d’enseignement postsecondaire », lance-t-elle. Aux personnes ayant des déficiences, NEADS offre un soutien qui permet non seulement d’accéder à l’éducation, mais aussi de terminer leurs études et de les approfondir plus tard pour obtenir un deuxième ou un troisième diplôme. La conférencière invite les participants à réfléchir à leur grande richesse personnelle, puis conclut son exposé en offrant un chant inspirant à propos de l’amour de soi.

Assemblée générale des membres de NEADS

  • Mahadeo Sukhai, University of Toronto, Membre flottant / président, Conseil d’administration de NEADS
  • Tim McIsaac, Université du Manitoba, Administrateur du Manitoba, Vice-président aux affaires internes, Conseil d’administration de NEADS
  • Jewelles Smith, Simon Fraser University, Administratrice de la Colombie-Britannique, Conseil d’administration de NEADS

Mahadeo Sukhai souhaite la bienvenue aux participants de l’assemblée générale biennale. Il expose ensuite le programme de la journée.

Présentation des états financiers vérifiés

Monsieur Sukhai explique que le cycle biennal de planification de NEADS coïncide avec la durée du mandat du conseil d’administration. Les états financiers dressent une comparaison, sur deux ans, entre les résultats des exercices 2006-2007 et 2007-2008. Chaque exercice s’amorce le 1er avril et prend fin le 31 mars de l’année suivante. On présente aux membres les états financiers vérifiés de l’exercice 2007-2008, tels que produits par le cabinet McCay, Duff & Company LLP.

Comme l’explique Monsieur Sukhai, en raison du caractère biennal de la conférence de NEADS, les activités relatives à cet événement ont tendance à occuper une part importante des dépenses engagées au cours d’une année où se déroule l’événement. L’exercice 2006-2007, qui coïncidait avec la dernière édition de la conférence, s’est soldé par un léger déficit net. Par contre, l’exercice 2007-2008 a donné lieu à un léger bénéfice net. Il en coûte entre 90 000 et 100 000 dollars pour organiser la conférence de NEADS.

NEADS produit un budget distinct pour tout poste de revenu ou de dépense d’exploitation et tout poste de revenu ou de dépense relatif à des projets. Plus précisément, l’Association prépare des chiffriers mensuels distincts pour chaque poste de revenu ou de dépense, chaque projet et chaque exercice. Tous ces outils soutiennent les efforts de planification interne déployés par le conseil d’administration. Les postes de dépense sont conformes aux règlements de déclaration édictés par le gouvernement fédéral.

Les revenus proviennent de nombreuses sources : subventions fédérales ; droits d’inscription, commandites d’entreprise et kiosques liés à la conférence ; contributions en vue du financement des projets.

Les dépenses engagées ont trait à la production de documents et à la tenue d’événements, à l’organisation de la conférence, à l’octroi de bourses ainsi qu’au paiement du loyer, des frais de voyage et d’hébergement, des honoraires professionnels et des services de traduction et d’interprétation.

Approbation des états financiers vérifiés

Motion présentée par : Julie
Motion appuyée par : Alexandra Dalgleish
Adopté

Approbation du choix des vérificateurs pour l’exercice 2008-2009

Approbation du choix de McCay, Duff & Company LLP comme vérificateurs pour l’exercice 2008-2009.
Motion présentée par : Tim McIsaac
Motion appuyée par : Alexandra Dalgleish
Adopté

Présentation des changements apportés aux statuts

Tim McIsaac, président du comité chargé des statuts, résume les modifications qui ont été apportées à ces derniers, avec l’aval du conseil d’administration.

NEADS n’avait pas revu ses statuts depuis leur adoption en 1986, précise Monsieur McIsaac. Vingt-deux ans plus tard, le conseil d’administration a entrepris un examen afin de s’assurer que les statuts correspondent aux pratiques actuelles. L’examen visait aussi à vérifier si la terminologie et le vocabulaire afférents s’harmonisaient avec ceux d’autres personnes morales ou organisations non gouvernementales. NEADS étant elle-même constituée en personne morale, une telle harmonisation contribuera au professionnalisme et à la crédibilité de ses opérations.

La principale modification apportée à l’article VI, qui porte sur le conseil d’administration, vise le remplacement du mot « représentant » par le mot « administrateur ». Ce changement reflète les véritables fonctions des intéressés, qui ne se contentent pas d’agir comme simples conseillers, mais dirigent plutôt l’organisme.

En ce qui touche la question des membres votants, l’article X a été modifié en vue de traduire les pratiques actuelles en matière de vote. En outre, le nouvel article formule l’exigence de dresser, pour chaque décision, un procès-verbal en bonne et due forme.

En ce qui touche la question des pouvoirs, l’article XI a été modifié de façon à officialiser l’obligation, pour le conseil d’administration, de rendre des comptes aux membres.

En conséquence d’une modification de l’article XIII, il est désormais requis de documenter, par voie de procès-verbal en bonne et due forme, toute erreur ou toute omission visant la transmission d’avis.

Les statuts ont également fait l’objet de changements de fond qui ont permis de désexiser le texte. Les objectifs de l’Association ont été réorganisés de façon à clarifier l’énoncé de la finalité de NEADS. La définition « d’incapacité » a été revue en vue de refléter les pratiques actuelles. Enfin, étant maintenant désuète, la section relative au coordonnateur administratif a été éliminée.

Les dispositions relatives au mandat des membres du conseil d’administration ont été revues. Auparavant, ce mandat s’échelonnait d’une conférence biennale à l’autre. À l’avenir, chaque membre entrera en fonction le 1er janvier suivant la tenue d’une conférence, et son mandat prendra fin le 31 décembre de l’année de la conférence subséquente. Ainsi, les membres qui sont élus aujourd’hui n’entreront en fonction que le 1er janvier 2009.

Des postes distincts ont été créés pour les fonctions de secrétaire et de trésorier. L’équipe de direction compte donc cinq personnes, ce qui élimine la possibilité d’une égalité des voix. Par ailleurs, les nouveaux statuts précisent les fonctions et responsabilités du comité exécutif, lesquelles s’inspirent des pratiques actuelles.

Des modifications supplémentaires ont été faites dans le but d’assurer une cohérence avec les pratiques d’autres organisations non gouvernementales, d’une part, et de débrouiller le vocabulaire, la grammaire et les éléments redondants, d’autre part.

Discussion à propos des changements apportés aux statuts

Monsieur Sukhai mentionne que les modifications s’appuient sur un examen fouillé des statuts de nombreuses organisations non gouvernementales. Ainsi, le texte révisé s’harmonise avec les pratiques courantes dans le domaine.

Jennison Asuncion, conseillère principale de NEADS, ajoute que l’organisme avait déjà entrepris d’améliorer progressivement ses statuts, mais que les efforts déployés au cours des deux dernières années ont été d’une envergure sans précédent.

Un membre de l’auditoire signale une omission dans la version anglaise des statuts. Ainsi, à l’article VII, dans la première phrase des dispositions relatives au mandat, le mot « office » devrait apparaître entre les mots « taken » et « on ». Monsieur Sukhai prend note de cet amendement favorable.

Une déléguée s’inquiète de relever une divergence entre les dénominations anglaise et française de NEADS, où l’on trouve respectivement les expressions « disabled students » et « étudiants handicapés ».

Frank Smith, coordonnateur national, explique que l’organisme a été créé par des Anglophones qui ont choisi une démonination anglaise inspirée de l’acronyme NEADS, qu’ils jugeaient astucieux. Plutôt qu’une transposition intégrale en français, la personne chargée de la traduction a retenu une dénomination centrée sur les mandants de l’organisme, soit les étudiants handicapés au niveau postsecondaire.

De souligner un délégué, les statuts révisés font état d’une adhésion annuelle, là où les textes précédents stipulaient plutôt une adhésion biennale.

Monsieur McIsaac explique que, par le passé, l’adhésion était liée à la participation à la conférence de NEADS. Ainsi, les droits d’inscription à la conférence comprenaient la cotisation à l’Association. Les personnes qui n’assistaient pas à la conférence avaient le loisir de devenir membres en versant une cotisation distincte de dix dollars. Cette solution étant fort peu populaire, les statuts ont été modifiés afin de permettre à NEADS de recruter de nouveaux membres tous les ans, même si la conférence se déroule tous les deux ans. En outre, les statuts révisés aideront l’organisme à renforcer ses effectifs, grâce au renouvellement d’adhésions existantes ou au recrutement de nouveaux membres, en tout temps et en ligne.

Approbation des changements apportés aux statuts

Motion présentée par : Tim McIsaac
Motion appuyée par : Julie

Les statuts révisés prennent effet immédiatement. En raison de la disposition prévoyant que le nouveau conseil d’administration entre en fonction le 1er janvier 2009, l’assemblée adopte une motion qui autorise le prolongement du mandat de l’actuel conseil jusqu’au 31 décembre 2008.

Monsieur Sukhai précise que toute modification apportée aux règlements internes d’un organisme entre immédiatement en vigueur. Les règlements internes sont soumis à l’examen d’Industrie Canada, mais pas à son approbation. Les règlements ne doivent être modifiés que s’ils sont infirmés par Industrie Canada.

Présentation de la vision de NEADS pour 2020 et du cadre de mise en œuvre connexe

Monsieur Sukhai décrit le projet que caressait Rachael Ross, présidente sortante, d’entreprendre un examen organisationnel en vue d’évaluer la capacité de NEADS de mobiliser le plus efficacement possible ses membres et ses ressources.

Pour procéder à un tel examen, NEADS a retenu les services de Rotman NeXus, de l’University of Toronto — une société d’experts-conseils dirigée par quatre étudiants inscrits à la maîtrise en administration des affaires. Monsieur Sukhai explique que le conseil d’administration s’est abstenu à dessein de choisir une société spécialisée dans le domaine de l’égalité ou de la diversité. Le conseil voulait plutôt confier le mandat à une société qui aborderait la question avec ouverture et honnêteté, selon une optique commerciale et sans parti pris.

Rotman NeXus a lancé l’examen en mars 2008 et présenté son rapport au conseil d’administration en juin. Le conseil a accepté toutes les recommandations, et NEADS s’affaire à mettre en œuvre plusieurs des initiatives préconisées par les experts-conseils.

Jewelles Smith résume les objectifs et les activités de NEADS. Elle explique que l’organisme a vu le jour en 1986 et qu’il se voue à servir des clients atteints d’un ensemble de déficiences. Au profit de ces derniers, NEADS s’efforce de militer pour un accès sans restriction à l’enseignement postsecondaire et aux possibilités d’emploi.

Entre autres fonctions, l’organisme exécute des travaux de recherche, octroie des bourses d’études, participe à des activités régionales dans le cadre de projets, offre des renseignements sur l’aide financière et les fonds spéciaux disponibles, organise une conférence biennale ainsi qu’administre un site Web (www.neads.ca) et un serveur de liste NEADS-L.

Tout projet de NEADS s’attarde à un ou plusieurs grands thèmes. Au nombre de quatre, ces derniers ont trait, d’une part, à la promotion de l’inclusion et de la participation intégrales des étudiants handicapés aux activités des établissements d’enseignement postsecondaire — qu’elles soient scolaires, parascolaires ou parallèles au programme — et, d’autre part, à la promotion de la réussite du passage du milieu secondaire au milieu postsecondaire et, de là, au marché du travail.

Joel Miller, administrateur de la Nouvelle-Écosse, précise que NEADS dispose d’une structure de cotisations progressives. À compter de 2009, un formulaire d’adhésion en ligne sera offert.

À compter de l’an prochain, les membres auront la possibilité de participer aux travaux des comités et aux activités de planification. En outre, NEADS réalisera un sondage en ligne afin de prendre le pouls de ses membres au regard de certains grands enjeux. De plus, l’organisme se dotera de politiques et de procédures qui permettront aux membres de constituer des directions régionales ou locales.

NEADS accepte désormais les dons recueillis par le biais du site www.CanadaDon.org. Par ailleurs, l’organisme procédera au lancement officiel d’une nouvelle stratégie relative à la collecte de fonds et à la recherche de commandites auprès des sociétés.

La prochaine conférence nationale aura lieu du 12 au 14 novembre 2010, à l’hôtel Delta de Winnipeg. Tim McIsaac exercera provisoirement la fonction de président de l’événement.

NEADS planifie également la création d’un conseil consultatif.

Enfin, les appels des personnes qui composent le numéro sans frais (1-877-670-1256) seront désormais transmis au bureau national de NEADS, à Ottawa.

Discussion

L’exposé ne donne qu’un bref aperçu des prochaines réalisations de NEADS, commente Monsieur Sukhai, qui rappelle que l’organisme mise sur la participation et les idées brillantes de ses membres. L’apport de ces derniers sera grandement apprécié.

Un délégué remarque que NEADS diffuse certains formulaires en ligne qui se présentent dans un format inaccessible.

Chris Gaulin, responsable de l’architecture du site Web de NEADS, répond que, dans toute la mesure du possible, l’organisme fournira des documents à la fois en format HTML et PDF. Les formulaires diffusés en format PDF sont surtout destinés aux personnes qui souhaitent imprimer les documents avant de les remplir et de les transmettre, par opposition aux personnes qui souhaitent remplir et soumettre les documents en ligne.

Madame Asuncion prie les membres de l’auditoire d’informer le bureau national de toute application Web de NEADS qui serait offerte dans un format inaccessible. Ainsi, des mesures correctives pourront être prises.

Monsieur Sukhai exhorte tous les candidats inscrits au scrutin à continuer de participer, peu importe l’issue de ce dernier. Par leur travail, leur apport à la gérance et leur souci du lendemain, tous contribueront au maintien de la stabilité et de l’efficacité des opérations de NEADS.

Troisième thème d’atelier : Solutions pour l’accès aux bibliothèques et aux documents imprimés

MODÉRATRICE
Jewelles Smith, Simon Fraser University, Administratrice de la Colombie-Britannique, Conseil d’administration de NEADS

CONFÉRENCIERS

  • Trisha Lucy, Agente de projet, Initiative de services de bibliothèque équitables, Bibliothèque et Archives Canada
  • Anthony Tibbs, Aspirant au baccalauréat en droit / bachelier de droit civil, Université McGill
  • Ryan Vernon, Bibliothécaire, B.C. College and Institute Library Services, Langara College
  • Daniel Zingaro, Étudiant diplômé, Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, University of Toronto

L’Initiative de services de bibliothèque équitables à l’intention des Canadiens incapables de lire les imprimés

Selon Trisha Lucy, plus de trois millions de Canadiens — soit 10 % de la population du pays — ont une incapacité de lire les imprimés. Pour ces hommes et femmes, l’information doit être disponible dans des formats substituts. Pourtant, moins de 5 % des documents imprimés au Canada sont offerts dans de tels formats.

Les étudiants peuvent trouver des formats substituts par le biais de leur gouvernement ou de leur établissement d’enseignement, mais l’accès à de tels formats s’évanouit dès la sortie de l’école. Les personnes ayant une déficience visuelle peuvent toujours recevoir l’aide de l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA), mais aucun service n’existe à l’intention des personnes atteintes de troubles d’apprentissage, qui doivent ainsi s’en remettre aux bibliothèques publiques. Toutefois, ces dernières ne disposent ni de la documentation, ni des ressources requises pour proposer, aux Canadiens incapables de lire les imprimés, des services comparables à ceux offerts aux personnes qui lisent des imprimés classiques.

Madame Lucy explique que l’Initiative de services de bibliothèque équitables (ISBE) a été lancée dans le but de « créer les conditions favorables et durables en vue d’un accès équitable aux services de bibliothèque pour les Canadiens ayant une incapacité de lire les imprimés ». À cette fin, Bibliothèque et Archives Canada (BAC) formulera d’ici mars 2010 une stratégie en vue de la mise en œuvre de partenariats, d’activités et de services à l’échelle de tout le pays.

L’ISBE privilégie un certain nombre d’activités-clés. Avec le concours d’intervenants, elle s’affaire à mettre au point une stratégie qui permettra d’améliorer l’accès aux documents disponibles dans des formats substituts. En outre, à l’intention des bibliothèques canadiennes, elle travaille à la conception de directives concernant l’accessibilité des services ainsi qu’à l’élaboration d’ateliers et de documents de formation qui abordent la question de l’accès équitable aux services de bibliothèque. Par ailleurs, l’ISBE créera un portail Web offrant un accès sans restriction à des ressources et des renseignements destinés aux personnes incapables de lire les imprimés.

Une autre activité majeure prévoit la création d’un centre d’échange de documentation électronique qui permet aux éditeurs d’offrir leurs fichiers électroniques à des producteurs de documents utilisant des formats substituts, rapidement et en toute sécurité.

L’ISBE commande également des études. Ainsi, elle a parrainé la réalisation d’une enquête auprès des bibliothèques publiques dans le but d’évaluer l’étendue des collections et des services proposés aux clients incapables de lire les imprimés. D’autres travaux ont permis d’examiner le secteur commercial de l’édition sonore et numérique au Canada ainsi que de produire un rapport sur l’accès aux documents disponibles dans des formats substituts, inscrits au catalogue des bibliothèques.

Madame Lucy invite les participants qui veulent en savoir plus à communiquer avec les responsables de l’ISBE, à s’inscrire au serveur de liste public qu’administrent ces derniers ou à visiter le site Web qu’ils proposent à l’adresse www.collectionscanada.gc.ca/isbe/.

Solutions visant l’accès aux bibliothèques et aux documents imprimés

Anthony Tibbs fait porter l’essentiel de son exposé sur le rôle que peuvent exercer les éditeurs pour faciliter l’accès aux personnes incapables de lire les imprimés.

« L’accès à l’information est un droit fondamental des Canadiens », affirme Monsieur Tibbs. Ce dernier cite l’article 32 de la Loi sur le droit d’auteur, qui prévoit des exemptions pour la reproduction de documents à l’intention des personnes ayant une incapacité de lire les imprimés. Cependant, ces exemptions interdisent la reproduction d’ouvrages à gros caractères, et seuls les particuliers, les organismes sans but lucratif ou les organismes caritatifs sont autorisés à faire des copies. Les sociétés privées ne peuvent les imiter sans obtenir l’autorisation de l’éditeur.

Par ailleurs, même si l’éditeur permet la reproduction ou fournit un fichier électronique, cela s’accompagne parfois de restrictions, notamment l’interdiction de retranscrire l’ouvrage en braille ou l’obligation de demander une autorisation pour chaque titre.

Selon Monsieur Tibbs, le recours aux scanneurs et à la technologie de la reconnaissance optique de caractères (ROC) a eu des répercussions favorables, mais ces solutions s’avèrent chronophages, comportent un risque d’erreur et pourraient ne pas fournir l’information dans le format requis. D’autre part, à peine 5 % des documents offerts dans des formats substituts sont disponibles au public, et la plupart du temps il s’agit d’ouvrages peu utiles pour des travaux scolaires ou techniques. En outre, l’accès à certains formats nécessite l’utilisation de dispositifs spéciaux.

Idéalement, croit Monsieur Tibbs, les éditeurs devraient intégrer à leur processus de production la publication de documents sur médias substituts. Une telle mesure se traduirait par une très légère augmentation du coût unitaire, et la dépense supplémentaire pourrait constituer une forme de prélèvement selon le critère de l’intérêt public. Une solution moins adaptée verrait les éditeurs s’engager à fournir des fichiers électroniques aux producteurs de documents sur médias substituts. Étant donné la petite taille du marché des documents fournis sur de tels médias, les éditeurs ne sont guère motivés à s’en soucier, estime Monsieur Tibbs.

Pour pousser les éditeurs à agir, Monsieur Tibbs recommande de faire pression sur les grands acheteurs institutionnels — bibliothèques, enseignants et autres — afin qu’ils choisissent leurs ouvrages en fonction de la volonté des éditeurs de fournir des versions sur médias substituts.

Les bailleurs de fonds auraient le loisir de recourir au financement comme outil, en vue d’inciter les producteurs sans but lucratif à publier des documents sur médias substituts. En outre, le gouvernement pourrait exiger que les auteurs et éditeurs titulaires de subventions mettent leurs textes à la disposition des producteurs de documents sur médias substituts. Monsieur Tibbs propose également la mise au point de mesures d’aide financière qui favorisent la production sur médias substituts, à l’exemple du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition du ministère du Patrimoine canadien.

Cela dit, la meilleure solution consiste à intégrer la production sur médias substituts au processus d’édition, « là où devrait normalement survenir cette activité », juge Monsieur Tibbs.

Une solution matérielle à élaborer soi-même pour assurer l’accès aux documents pour les étudiants handicapés au niveau postsecondaire

La débrouillardise est à l’honneur dans l’exposé de Ryan Vernon, qui propose une solution à élaborer soi-même en vue d’assurer un accès électronique aux documents imprimés.

Monsieur Vernon précise que la technologie ne conviendra pas à tout coup. Cependant, deux tendances se dessinent qui favorisent la recherche de solutions rentables et opportunes, soit la possibilité d’obtenir du matériel informatique à moindre coût ainsi que la disponibilité de logiciels gratuits ou peu coûteux. Le conférencier présente un ordinateur portatif ASUS Eee dont le coût s’élève à environ 400 dollars et qui renferme des logiciels favorisant l’accessibilité, y compris un lecteur écran, un programme de synthèse vocale et un lecteur DAISY (un acronyme qui signifie « Digital Audio Information System »).

En ce qui touche le matériel, Monsieur Vernon explique que tout ordinateur de bureau ou ordinateur portatif fera l’affaire. Cependant, pour exploiter les logiciels gratuits ou peu coûteux qui s’offrent aujourd’hui, l’appareil devra être muni de Windows 2000 ou d’un système d’exploitation plus récent. Parmi les options matérielles à considérer, le conférencier mentionne une carte sonore intégrée, des haut-parleurs, un périphérique d’entrée adapté ainsi qu’une connexion Internet.

Monsieur Vernon dresse une liste de logiciels populaires qui sont offerts gratuitement ou à moindre coût aux non-voyants et aux personnes ayant une déficience visuelle. Semblable à JAWS, Thunder est un lecteur écran qui exploite un système de synthèse de la parole pour lire à voix haute les contenus apparaissant à l’écran d’un ordinateur. Thunder s’avère utile lorsqu’utilisé de concert avec d’autres programmes comme WebbIE, un navigateur accessible qui transforme les sites Web ordinaires en sites Web de texte.

Jumelé avec Thunder, WebbIE permet aux utilisateurs de parcourir des pages Web et d’en entendre le contenu. WebbIE est muni d’un lecteur RSS accessible, d’un lecteur balado accessible, d’un catalogue de livres électroniques gratuits liés au Projet Gutenberg ainsi que d’un répertoire accessible exploitant la base de données de l’Open Directory Project (ODP) — cette dernière étant constituée d’un ensemble de liens vers le Web, recensés par des humains, qui pourraient s’avérer utiles aux utilisateurs dont l’ordinateur est doté d’un lecteur écran.

Disponible sans frais, ReadPlease est un programme de synthèse vocale qui traduit le texte lisible par ordinateur en langage parlé. TextAloud est un programme semblable qui coûte une trentaine de dollars, mais offre une fonction de création rapide de fichiers MP3. ReadPlease et TextAloud conviendront tout particulièrement aux personnes pour qui il est plus facile d’apprendre en écoutant un texte tout en le lisant. De conception canadienne, SpokenText est un autre outil gratuit de synthèse vocale qui comporte une fonction de création automatique de fichiers sonores.

Comme l’explique Monsieur Vernon, DAISY est un format de livre audionumérique qui permet à l’utilisateur de naviguer en spécifiant un chapitre, une section, une rubrique ou un numéro de page. Disponible sans frais, AMIS est un logiciel d’exploitation libre servant à la lecture de documents DAISY. Il existe également des périphériques de lecture DAISY. Pour sa part, Winamp est un diffuseur de médias gratuit qui s’apparente aux diffuseurs VLC ou Windows Media. Jumelé au programme complémentaire PaceMaker, disponible sans frais, Winamp offre aux utilisateurs la possibilité de régler la vitesse de lecture.

Enfin, il y a moyen d’installer des logiciels comme ZoomText et Iconico, qui exercent la fonction de loupe d’écran.

Monsieur Vernon conclut en ces termes : « N’ayez pas peur de vous salir les mains, de faire des essais et de poser des questions. La réussite est à votre portée ! »

Aperçu des médias substituts utilisables pour les documents scientifiques

Daniel Zingaro décrit ce qui se produit lorsque des étudiants réclament des ouvrages sur médias substituts. Souvent, le temps et l’argent font défaut dans la période précédant le début des cours. D’ordinaire, un long délai s’écoule à la suite de la présentation, à l’éditeur, d’une demande visant l’obtention de documents en format électronique.

Selon Monsieur Zingaro, la solution la plus simple et la plus rapide pour l’éditeur consiste à transmettre un fichier PDF. Une fois reçu, ce dernier doit être converti en fichier accessible. Les documents scientifiques sont particulièrement difficiles à traiter, car ils renferment des symboles spéciaux, des formules, de tableaux et des diagrammes.

Il est possible, au moyen d’un lecteur écran, d’accéder directement au contenu d’un fichier PDF chargé sur Adobe Acrobat. L’exploration des tableaux s’avère parfois facile, mais aucun élément ne peut être modifié. En outre, il est ardu de rechercher des éléments de texte. Une solution de rechange consiste à convertir le fichier PDF en fichier texte. Différents programmes permettent d’effectuer cette opération, dont Adobe Acrobat Reader, Adobe Acrobat Professional et Xpdf. Une fois faite la conversion, un étudiant peut retoucher le texte et y ajouter des commentaires.

Parfois, de tels programmes ne parviennent pas à isoler le texte. En effet, tout fichier PDF renferme une image, et les renseignements sur les polices de caractères correspondantes ne sont pas toujours disponibles. Par ailleurs, les logiciels de ROC donnent des résultats variables. En ce qui concerne les documents à nature scientifique, l’emploi de tels logiciels donne habituellement lieu à de nombreuses erreurs.

Monsieur Zingaro expose une autre solution. À son avis, il est peu commode de recourir à un système de traitement de texte classique pour traiter des éléments mathématiques ou d’autres éléments apparentés. Par contre, il existe des langages de balisage qui permettent aux auteurs d’insérer de tels éléments dans un fichier informatique contenant du texte exclusivement.

L’un de ces langages est LaTeX. De préciser Monsieur Zingaro, cet outil fort répandu et d’apprentissage facile crée des éléments qui peuvent être traités au moyen de lecteurs écran ou d’autres lecteurs. Par exemple, pour insérer un symbole de racine carrée ou une fraction, il suffit de taper « sqrt » ou « frac », respectivement.

Si l’auteur d’un ouvrage mathématique ou scientifique transmet son fichier LaTeX à l’éditeur, celui-ci pourra créer les fichiers PDF requis au moyen du code source LaTeX. Ainsi, les étudiants qui cherchent un ouvrage particulier pourraient vraisemblablement trouver une version LaTeX renfermant tous les éléments de contenu pertinents, intégralement accessibles par voie de fichier contenant du texte exclusivement.

Par expérience, Monsieur Zingaro sait que les cours et les travaux de recherche en informatique exploitent des renseignements tirés d’une gamme de livres, de revues scientifiques et de conférences. Il serait impossible de produire tous ces renseignements dans un format accessible. La solution consisterait donc à demander des versions LaTeX aux auteurs et aux éditeurs.

Discussion

Selon un membre de l’auditoire, il y aurait aussi lieu de faire pression sur les gérants de librairie. De même, ajoute un autre participant, les syndicats et groupes d’étudiants pourraient intercéder auprès de la direction de leur établissement d’enseignement afin de s’assurer que les professeurs donnent un préavis suffisant concernant les documents qui seront requis pour les cours. Tout étudiant qui défend sa cause alimente le processus de changement, commente Monsieur Vernon.

Une déléguée raconte que son université ne dispose pas des outils nécessaires pour reproduire les tableaux et graphiques apparaissant dans les documents statistiques. Elle s’interroge également à propos des possibilités de rationalisation de la production de documents sur médias substituts. Un autre enjeu concerne la disponibilité de fonds, au cas où il faudrait confier le travail à des sous-traitants.

Monsieur Vernon explique qu’un élément de solution consisterait à établir un service centralisé de production de documents sur médias substituts. La mise en commun de l’expertise et la réalisation d’économies d’échelle contribueraient ainsi à améliorer l’efficacité de la production. Le conférencier incite les étudiants à militer pour la mise sur pied d’un tel service dans les provinces qui en sont dépourvues.

On demande à savoir pourquoi les établissements d’enseignement supérieur n’offrent aucun programme semblable à l’ISBE en vue de l’échange de documents sur médias substituts. Il existe pourtant déjà, à l’échelle du pays, un système de prêts de livres entre bibliothèques.

Monsieur Vernon répond que le Langara College a su, par le passé, trouver des ouvrages en consultant la base de données AMICUS de BAC, où plusieurs fournisseurs de documents sur médias substituts publient leurs titres. Avant d’investir temps et argent dans la production d’ouvrages, l’établissement vérifie toujours auprès d’AMICUS.

Madame Lucy ajoute que l’Association canadienne des centres de matériel pédagogique sur supports de remplacement (ACCMP) réunit des groupes de tout le Canada en vue de favoriser l’échange de documents à l’intention des étudiants de tous les niveaux, de la maternelle au postsecondaire.

De souligner un participant, les bibliothèques et établissements doivent s’engager dans une démarche énergique de mobilisation.

Selon un membre de l’auditoire, les établissements de la Nouvelle-Écosse ont tenté de constituer une bibliothèque numérique à l’intention des étudiants handicapés, mais en vain jusqu’à présent. Jewelles Smith rétorque que la Simon Fraser University est confrontée au même défi.

La plupart des établissements d’enseignement postsecondaire de l’Ontario collaborent avec l’ACCMP, précise un participant provenant du service de documentation bibliothécaire de la W. Ross MacDonald School (WRMS). Le personnel de cet établissement, qui est membre de l’ACCMP, consulte également AMICUS afin d’éviter toute production redondante. En outre, la WRMS réalise un projet-pilote qui vise à cerner les lacunes touchant ses services et à proposer d’éventuelles améliorations.

Un délégué recommande que les universités versent dans une réserve une partie des frais de scolarité perçus auprès des non-voyants et des personnes ayant une déficience visuelle. La réserve ainsi créée servirait à retenir les services de fournisseurs externes capables de produire rapidement des documents sur médias substituts. Une fois ces documents produits, on pourrait en faire don aux bibliothèques universitaires.

Un participant cite l’exemple du site www.Bookshare.org, une initiative nationale qui, aux États-Unis, permet aux personnes incapables de lire les imprimés d’accéder à une vaste collection de livres et de périodiques disponibles sur médias substituts. On demande si le Canada songerait à financer, par le biais de sources gouvernementales, la réalisation d’un projet semblable.

Monsieur Vernon convient qu’il serait merveilleux que notre pays dispose d’un tel service national. Aux États-Unis, la production de documents sur médias substituts est beaucoup plus poussée qu’au Canada. Cependant, en raison de la Loi sur le droit d’auteur, les intervenants étasuniens refusent de laisser leurs fichiers électroniques traverser notre frontière. Les étudiants devraient faire pression pour que cet obstacle soit levé.

Pour sa part, Madame Lucy explique que l’ISBE collabore avec la Fédération internationale des associations de bibliothécaires et des bibliothèques en vue d’aborder les questions relatives aux lois sur le droit d’auteur et au partage international des ressources. Ces questions sont cependant fort épineuses, car les lois sur le droit d’auteur varient d’un pays à l’autre.

De souligner un membre de l’auditoire, l’Ontario compte deux fournisseurs de services aux handicapés sur les campus des collèges et des universités — soit l’Inter-University Disability Issues Association (IDIA) et le College Committee on Disability Issues (CCDI) — qui collaborent à la recherche de solutions.

De l’avis d’un délégué, il y a tout un défi à tenter d’obtenir des articles, des revues scientifiques ou des périodiques disponibles sur médias substituts. Contrairement aux livres, ces titres sont publiés mensuellement, et il est difficile de les retracer en consultant les sites Web des bibliothèques. Le délégué ajoute que ni la bibliothèque, ni le bureau des services aux handicapés de son université ne se reconnaissent une quelconque responsabilité à l’égard de cette question.

Monsieur Vernon croit que les employés de première ligne des bibliothèques seraient peut-être en mesure de donner un coup de main, surtout s’ils maîtrisent l’informatique. En effet, les bases de données en ligne ne sont pas nécessairement toutes accessibles. Le conférencier précise que les étudiants devraient faire des représentations auprès des bibliothèques universitaires afin qu’elles tiennent compte des médias substituts au moment de procéder à leurs achats de titres. Les bibliothèques disposent d’un grand pouvoir, car chaque année elles consacrent des millions de dollars aux collections en ligne.

Monsieur Tibbs croit que cette question devrait inciter un plus grand nombre d’universités à interpeller les fournisseurs de revues scientifiques et les éditeurs de livres. Pour sa part, Madame Lucy abonde dans le sens des intervenants qui croient que les contrats d’acquisitions des bibliothèques devraient intégrer des exigences relatives à l’accessibilité.

En tant que membre du corps professoral du Collège Dawson, l’une des déléguées propose que NEADS s’efforce de sensibiliser davantage le personnel enseignant des établissements. En outre, elle souligne le besoin d’améliorer l’information sur le droit d’auteur au Canada. Souvent, les étudiants qui veulent se procurer un ouvrage accessible doivent l’acheter et le faire produire sur médias substituts, car on leur dit qu’il est illégal de reproduire un exemplaire de dossier.

Monsieur Zingaro, qui enseigne l’informatique à l’University of Toronto, raconte qu’il utilise, dans l’un de ses cours, un livre qui n’est pas disponible sur médias substituts. Cet ouvrage est le meilleur qui soit pour le cours. Au moyen d’un scanneur, il en a reproduit un exemplaire pour son propre usage. Cependant, aucun de ses étudiants n’a demandé à obtenir l’ouvrage sur médias substituts.

Monsieur Vernon rappelle que, selon l’exemption prévue à l’article 32 de la Loi sur le droit d’auteur du Canada, la production d’un exemplaire d’un livre sur un support pouvant servir aux personnes ayant une déficience perceptuelle ne constitue pas une violation du droit d’auteur.

Un participant affirme que les étudiants se font encore dire qu’ils ne peuvent reproduire les ouvrages, ce qui cultive une certaine confusion. En outre, faute d’avoir accès aux ressources nécessaires à la production de documents sur médias substituts, les intéressés risquent de ne pouvoir exercer leurs droits.

Comme l’explique Madame Lucy, la loi autorise les particuliers à produire un exemplaire d’un ouvrage dans le format de leur choix, et ce, sans devoir obtenir l’autorisation préalable de l’éditeur. Par contre, la loi n’impose pas à l’éditeur d’offrir une aide à cette fin, notamment en fournissant des fichiers électroniques.

On fait remarquer que la méthode de transcription entraîne souvent la détérioration des livres, au point qu’ils ne peuvent ensuite être vendus comme articles d’occasion. Monsieur Tibbs répond qu’il a déjà réussi à tirer 50 dollars de la vente d’un livre ayant subi une opération de transcription, après que les pages mobiles aient été réunies dans une reliure à trois anneaux. À son avis, tout dépend de l’ouvrage. En outre, il faut que les pages soient récupérées au terme de l’opération. Un délégué signale l’existence, à Halifax, d’un relieur qui propose de restaurer la reliure régulière d’un livre. À la lumière du montant possible à tirer de sa vente, on déterminera s’il est rentable de traiter l’ouvrage à cette fin, avance Monsieur Zingaro.

Une participante, issue des services d’accessibilité de bibliothèque de l’Université York, incite les étudiants à communiquer leurs besoins aux bibliothèques qu’ils fréquentent. « Vous payez les mêmes frais de scolarité que tout le monde et avez le droit d’obtenir des livres dans des délais raisonnables », lance-t-elle. « Vous disposez d’un grand pouvoir, alors ne craignez pas de l’exercer ! »

On s’interroge sur la façon de transiger avec des producteurs et des éditeurs en vue de la création de documents multimédias accessibles, notamment des disques audionumériques ou des vidéodisques numériques restructurés comportant des sous-titres. Le délégué de la WRMS répond qu’un tel travail pourrait être à la portée du producteur original, surtout si les documents ont été créés selon les principes de conception universelle et d’accessibilité pour les personnes handicapées.

Un participant cherche à savoir si Monsieur Zingaro aurait le loisir de faire don, à la bibliothèque, de son exemplaire sur médias substituts du livre utilisé pour son cours. Madame Smith répond qu’il y aurait peut-être moyen de céder un exemplaire ; cependant, aucune autre reproduction ne serait autorisée. Monsieur Vernon répète qu’il est permis de produire un exemplaire sur un support pouvant servir aux personnes ayant une déficience perceptuelle, mais que la cession de cet exemplaire constituerait une violation du droit d’auteur.

En ce qui touche le centre d’échange de documentation électronique de l’ISBE, Madame Lucy précise que certains éditeurs — dont McGraw-Hill, Wiley, Oxford, Thompson et Pearson — ont signé des conventions en vue de leur participation. La conférencière décrit la marche à suivre pour se procurer un exemplaire d’un livre offert sur médias substituts, par le biais du centre d’échange. Supposons que Monsieur Vernon, du Langara College, reçoive la demande d’un étudiant qui souhaite obtenir la version en braille d’un titre publié par Pearson. Il consulte d’abord le catalogue AMICUS de BAC pour vérifier si l’ouvrage existe en braille ou dans un autre format. Si cette recherche est infructueuse, Monsieur Vernon transmet la demande à Pearson par le truchement du centre d’échange. Pearson reconnaît ainsi que le demandeur est un producteur légitime. De là, l’éditeur transmet le fichier électronique à Monsieur Vernon, qui s’en sert pour créer la version en braille.

Si, plus tard, le bibliothécaire d’une autre école reçoit une demande de la part d’un étudiant qui cherche à obtenir une version sonore du même ouvrage, il constatera, en consultant la base AMICUS, que Monsieur Vernon détient le fichier électronique. Le bibliothécaire n’aura pas à traiter avec Pearson. Il lui suffira plutôt de réclamer le fichier à Monsieur Vernon, puis de s’en servir pour créer une version sonore à l’intention de l’étudiant.

Un membre de l’auditoire dit avoir reçu, de la part d’un établissement, un devis de 2 000 dollars pour assurer la conversion, sur médias substituts, de quelques images imprimées sur un certificat de petite taille. Monsieur Zingaro répond que la McMaster University dispose d’une imprimante en braille nommée Tiger, qui pourrait faire l’affaire pour des images peu complexes.

Débattant des difficultés que pose l’accès aux documents provenant des États-Unis, les participants font valoir qu’il est parfois utile de pouvoir compter sur un réseau d’amis établis dans ce pays. Selon Madame Lucy, des pourparlers ont été entamés dans l’arène mondiale en vue de faciliter l’échange de documents. Cependant, le dossier progresse lentement, car chaque pays dispose de ses propres lois en matière de droit d’auteur.

Monsieur Vernon exhorte les délégués à faire pression auprès de leurs élus afin de faire avancer le dossier. En outre, comme l’indique Monsieur Tibbs, il importe de connaître les lois sur le droit d’auteur qui ont cours dans d’autres pays ainsi que de déterminer de quel côté de la frontière surviennent les blocages.

Un délégué explique que, grâce aux crédits versés par le gouvernement des États-Unis, les étudiants étasuniens qualifiés de tous âges disposent désormais d’un accès gratuit à la collection diffusée par la voie du site www.Bookshare.org. Les résidents canadiens qualifiés ne peuvent consulter qu’une partie de la collection, et ils doivent payer un droit d’adhésion. Cependant, la portion offerte aux Canadiens compte déjà 5 000 titres, et elle ne cesse de s’enrichir.

Le même délégué ajoute qu’à la suite de changements récents apportés aux lois sur le droit d’auteur aux États-Unis, les éditeurs qui refusent de fournir des fichiers électroniques ont désormais la charge de justifier leur refus.

Monsieur Vernon cite le projet de loi C 61, modifiant la Loi sur le droit d’auteur, qui a été déposé tout juste avant l’élection fédérale. Inspiré du Digital Millennium Copyright Act des États-Unis, ce projet de loi renferme une disposition selon laquelle le déverrouillage numérique d’objets protégés par un droit d’auteur constituerait une violation de ce droit d’auteur. Selon le conférencier, cette disposition éclipserait tout autre titre juridique au droit d’auteur, y compris les exemptions prévues à l’article 32 pour les personnes ayant une déficience perceptuelle. Le fait que ce projet de loi risque d’être déposé de nouveau démontre que les étudiants handicapés doivent non seulement réclamer de nouveaux droits, mais aussi défendre les droits qui leur sont déjà acquis.

Monsieur Zingaro dit avoir eu peu de mal à se procurer des fichiers électroniques en communiquant avec les éditeurs. S’il lui était impossible d’obtenir certains fichiers auprès de ces derniers, il s’adressait simplement aux auteurs. Le conférencier n’a jamais eu à essuyer un refus de la part d’un auteur.

Monsieur Vernon explique que, tant qu’un livre est disponible à la bibliothèque du Langara College, les étudiants incapables de lire les imprimés ont le droit de l’emprunter dans un format accessible. Les étudiants doivent acheter un exemplaire neuf de l’ouvrage afin qu’il soit reproduit, mais la bibliothèque rembourse les frais afférents. Cependant, cette politique n’est pas nécessairement en vigueur dans les autres collèges et universités.

Un délégué provenant de la McMaster University affirme que les étudiants peuvent trouver de l’aide en consultant le service consultatif en matière d’équité et de droits de la personne, établi par l’établissement.

Quatrième thème d’atelier : Enjeux-clés sur les campus – La perspective des étudiants handicapés

MODÉRATRICE
Margaret Shalma, University of Toronto, Administratrice de l’Ontario, Conseil d’administration de NEADS

CONFÉRENCIÈRES

  • Melissa Bolton, Chercheuse, Centre d’études sur les étudiants de niveau postsecondaire, Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, University of Toronto
  • Lucy Costa, Étudiante, Université York
  • Trish Foy, Coordonnatrice des services aux handicapés, Collège Selkirk
  • Erica Tanny, Étudiante diplômée, Université d’Ottawa

L’endettement des étudiants handicapés et les obstacles financiers auxquels ils se heurtent : sommaire de recherche

Melissa Bolton décrit un projet national de recherche qu’entreprend le Centre d’études sur les étudiants de niveau postsecondaire et qui s’intéresse à l’endettement des étudiants handicapés de niveau postsecondaire. Ce projet est réalisé en partenariat avec NEADS.

La recherche a pour but d’examiner les dettes relatives que contractent les étudiants handicapés de niveau postsecondaire, les obstacles financiers qui se dressent devant eux ainsi que l’incidence de l’endettement sur leur vie et leurs décisions scolaires.

Le projet est mené en quatre phases prévoyant : des entrevues auprès d’étudiants handicapés qui fréquentent des établissements d’enseignement postsecondaire canadiens ; des entrevues auprès de bureaux d’aide financière et de fournisseurs de services aux handicapés du Canada ; une enquête en ligne auprès d’étudiants handicapés canadiens ; ainsi qu’une analyse quantitative de données d’archives nationales soutenues par l’Initiative de démocratisation des données (IDD) de Statistique Canada.

Les chercheurs interrogent les étudiants sur une foule de sujets, notamment leur discipline, la nature de leur déficience, l’aide financière qu’ils reçoivent, leur situation sur le plan du logement et de l’emploi de même que leurs aspirations au delà de l’obtention du diplôme. L’exposé traite des résultats préliminaires fondés sur l’analyse de 20 % des 60 entrevues qui seront réalisées au total.

Comme l’explique Madame Bolton, l’étude met en lumière deux principaux obstacles financiers : les problèmes d’admissibilité à l’aide extérieure et le nombre limité de bourses ou de prix offerts aux étudiants handicapés. Par exemple, le Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFEO) énonce des lignes directrices rigoureuses, souvent contradictoires, qui constituent à la fois un obstacle et un objet de frustration. De nombreux candidats doivent s’adapter en choisissant de travailler à temps partiel — une décision qui, craignent-ils, prolongera la durée de leurs études et retardera le moment de leur intégration à la population active.

Selon Madame Bolton, l’endettement étudiant s’explique notamment par les frais de scolarité, les prêts étudiants, les cartes de crédit et les achats de matériel éducatif — ordinateurs portatifs, logiciels spéciaux et autres. Pour composer avec leurs dettes, les étudiants peuvent compter sur le soutien de particuliers ou d’organismes, les principaux étant les agents chargés de l’aide financière, les fournisseurs de services aux handicapés, les conjoints, parents et autres membres de la famille ainsi que les groupes communautaires ou religieux.

En plus d’en déterminer les sources, les chercheurs veulent cerner les répercussions de l’endettement sur la vie étudiante. Sur ce point, les participants de l’étude partagent un même point de vue : l’endettement constitue une entrave et un facteur de stress qui réduit la capacité de couvrir le coût des activités parascolaires et, par conséquent, nuit à l’engagement social des étudiants.

Priés de décrire leurs aspirations scolaires et professionnelles au delà de l’obtention du diplôme, de nombreux étudiants expriment le désir de décrocher un emploi dans leur discipline. Plusieurs candidats nourrissent l’espoir de poursuivre des études supérieures, en dépit des obstacles financiers auxquels ils font face. D’autres voudraient travailler à la défense des intérêts d’handicapés comme eux.

Par-dessus tout, les responsables du projet demandent aux étudiants d’indiquer les éléments auxquels devrait s’attarder la recherche. Les participants de l’étude se disent tracassés par le « système ». À leur avis, il y aurait lieu d’assurer un meilleur accès aux ressources et de favoriser davantage l’établissement de liens entre les réseaux. Par ailleurs, de nombreux étudiants remercient déjà les chercheurs d’avoir été à leur écoute.

Madame Bolton lance une invitation à tous les délégués qui voudraient prendre part à l’étude. Les intéressés n’ont qu’à communiquer avec le Centre d’études sur les étudiants de niveau postsecondaire.

Émergence des étudiants « cinglés » dans les écoles : la Mad Students Society

« Bonjour, je suis une personne cinglée ! » Ainsi se présente Lucy Costa, dont l’exposé porte sur la Mad Students Society (MSS), sur les préoccupations des membres de cette dernière ainsi que sur l’émergence de la maladie mentale — que la conférencière nomme « folie » — en milieu scolaire.

Madame Costa explique que les membres de la collectivité des personnes ayant des troubles psychiques s’identifient à différentes appellations. À l’exemple des gais et lesbiennes qui, en tant que groupe, se sont appropriés le mot « queer », les personnes ayant des troubles psychiques se désignent comme « folles », « cinglées » ou « démentes ». D’autres membres de cette collectivité se présentent comme des « personnes ayant un vécu psychiatrique » ou des « personnes ayant été en établissement psychiatrique ». D’autres encore adoptent des désignations plus courantes, comme « malades mentaux ». D’aucuns croient que le recours à des expressions non conventionnelles aide l’entourage à comprendre que les personnes ayant des troubles psychiques ne s’identifient pas toutes au diagnostic qu’elles reçoivent et que certaines d’entre elles ne veulent pas être « guéries ».

La MSS travaille à l’habilitation, au soutien et à la mobilisation des étudiants dont le parcours a croisé ou croisera celui du système de soins psychiatriques. Les membres échangent leurs expériences et relatent la riche histoire de la collectivité des personnes ayant des troubles psychiques. De plus, la MSS s’affaire à reconnaître les obstacles, à lutter contre la discrimination institutionnelle, à promouvoir le soutien par les pairs et à favoriser l’autonomie sociale.

Par-dessus tout, selon Madame Costa, la MSS offre une solution de rechange aux conceptions biologiques et médicales de la maladie mentale. Bien que les membres aient l’occasion d’échanger à propos des diagnostics qu’ils reçoivent, la MSS insiste sur la création d’un espace où trouver des modes d’expression de l’expérience personnelle, au delà de la perspective biomédicale classique.

Madame Costa décrit certains enjeux auxquels se heurtent les étudiants ayant des troubles psychiques. Ces derniers doivent composer avec l’absence de normes cohérentes en matière d’aménagements, d’un collège ou d’une université à l’autre. Par ailleurs, les fournisseurs de services aux handicapés ont tendance à confondre counselling et prestation de conseils en matière de droits. La conférencière croit que des bureaux distincts devraient être établis, car les étudiants qui réclament des aménagements ou sont victimes de discrimination en milieu scolaire n’ont pas nécessairement besoin de counselling ou ne veulent pas nécessairement recevoir ce service. N’étant visés par aucune réglementation, et n’étant donc nullement tenus de proposer des aménagements, les établissements privés — écoles de commerce et autres — posent un problème particulier, estime Madame Costa.

Les débats en classe suscitent également des préoccupations, car « s’ils ne peuvent abuser de qui que ce soit en véhiculant des propos racistes, les professeurs et étudiants peuvent faire la pluie et le beau temps en tenant un discours sectaire à propos des déficiences psychiques », affirme Madame Costa. S’ils sont témoins ou victimes de commentaires discriminatoires, les étudiants ayant des troubles psychiques doivent choisir entre le silence ou la prise de parole systématique, au risque d’être perçus comme « des radicaux gauchistes ». En outre, croit la conférencière, les programmes d’études qui abordent les questions de santé mentale sont mis au point sans aucune consultation avec la collectivité des personnes ayant des troubles psychiques.

Madame Costa propose des pistes de solution, notamment la formulation de normes de pratique cohérentes, d’une université ou d’un collège à l’autre, en ce qui touche les déficiences psychiques ainsi que l’octroi d’un rôle aux étudiants au regard de la conduite des évaluations. Les débats en classe devraient n’exclure personne, et les enseignants devraient éviter de supposer que tous souscrivent à la perspective biomédicale. Le counselling et la prestation de conseils relatifs aux droits devraient constituer des fonctions distinctes, et on devrait veiller à dispenser chaque année une formation portant sur les droits de la personne.

Madame Costa incite les délégués à passer le mot au sujet de la MSS. Les étudiants ayant des troubles psychiques peuvent contribuer en assistant aux événements qui soulignent la « fierté de la folie », en posant des affiches, en partageant leurs expériences et leur vécu ainsi qu’en s’informant à propos de leurs droits. Avant tout, « abolissons le culte de la santé mentale », exhorte la conférencière.

Un recadrage de la déficience au Collège Selkirk

Dans son exposé, Trish Foy explique comment le Collège Selkirk a rejeté le modèle médical de la déficience au profit du modèle social et politique. Elle décrit également les obstacles et les réussites qui ont ponctué cette démarche.

Le Collège Selkirk est un établissement de taille modeste qui compte 2 300 étudiants, dont environ 200 handicapés. Il a pour devise « chaque étudiant compte », et cette devise s’applique à l’ensemble des étudiants, pas simplement à ceux qui n’ont aucune déficience. La mission de l’établissement consiste à former des citoyens efficaces et habilités. Pour sa part, le bureau des services aux handicapés s’efforce d’éliminer les entraves qui freinent l’accès à l’éducation postsecondaire pour les étudiants handicapés, tout en aidant ces derniers à réussir dans toute la mesure du possible. En offrant des aménagements raisonnables et en favorisant une meilleure sensibilisation, le bureau lutte contre les obstacles physiques et les obstacles liés à l’enseignement et aux attitudes.

Soucieux de recadrer la déficience, le bureau des services aux handicapés s’affaire à éveiller le corps enseignant, le personnel et les étudiants aux différents types de handicaps que l’on retrouve au collège. En outre, ajoute Madame Foy, le bureau fait valoir que « déficience ne rime pas avec incapacité ».

L’autre enjeu principal consiste à favoriser l’adoption du modèle social de la déficience. Selon le modèle médical classique, cette dernière constitue une anomalie néfaste qui tient de la personne. Toute intervention doit avoir pour but de rendre la personne « normale », sous la direction d’un professionnel. À l’inverse, le modèle social perçoit la déficience comme une différence objective qui résulte de l’interaction entre la personne et la société. Toute solution passe donc par une modification de cette interaction. L’agent de changement n’a pas à être un professionnel ; il pourrait s’agir d’un défenseur, d’un membre de la famille, voire de la personne handicapée elle-même.

Pour passer d’un modèle à l’autre, il faut d’abord revoir le vocabulaire, car ce dernier agit sur les croyances et les attitudes, et il peut contribuer à perpétuer un paradigme tel que le modèle médical. Par exemple, explique Madame Foy, le bureau des services aux handicapés songe à adopter l’appellation de « centre de ressources pour personnes handicapées ». Cette nouvelle dénomination favoriserait l’autodétermination et l’autonomie des étudiants handicapés tout en laissant entendre que ces derniers restent libres d’exercer un choix. Par ailleurs, la technologie peut contribuer à éliminer les obstacles et à faciliter l’accès aux salles de classe, notamment par la diffusion de cours en ligne ou par la transmission électronique de notes de cours.

Une autre méthode consiste à recourir à la conception universelle de l’enseignement (CUI), un ensemble de principes qui aborde la diversité des styles d’apprentissage. Cette méthode permet de sensibiliser les membres du corps enseignant aux mesures qu’ils peuvent prendre en vue d’améliorer l’accessibilité de leurs cours, qu’il s’agisse de prévoir des examens à la maison, de proposer des projets de groupe ou de diffuser des notes de cours et des exposés sur PowerPoint.

Selon Madame Foy, le bureau des services aux handicapés du Collège Selkirk s’assure de collaborer avec le corps enseignant, notamment en organisant des groupes de concertation auxquels participent des étudiants handicapés. De plus, le collège a été l’hôte d’une « journée de recadrage de la déficience », organisée et publicisée par les étudiants, qui proposait entre autres un spectacle de chant choral.

Madame Foy souligne l’importance du respect des besoins et des points de vue personnels des étudiants. Le Collège Selkirk compte à son actif de précieuses réalisations, dont l’adoption d’un nouveau vocabulaire et l’amélioration de l’accessibilité de l’enseignement. Cependant, il a encore à relever des défis, y compris l’application des principes de la CUI de même que la sensibilisation des intervenants, tout particulièrement les nouveaux professeurs ou ceux qui n’ont guère d’expérience à traiter avec des étudiants handicapés.

De conclure Madame Foy, « il faut du temps pour adopter un nouveau mode de pensée. Nous croyons cependant que le changement fera de notre collège un établissement plus accessible et mieux intégré ».

Ni combats, ni regrets : l’inclusion dans les programmes parascolaires sportifs et sociaux des universités

Erica Tanny aborde la question de l’inclusion sociale dans les programmes parascolaires des universités, notamment les activités sociales ou sportives qu’organisent les établissements ou les collectivités qui s’y greffent.

Aujourd’hui une nageuse paralympique de calibre national, Madame Tanny a fait partie pendant trois ans de l’équipe de natation de l’Université McGill. À son avis, les sports procurent d’incroyables bienfaits aux personnes qui les pratiquent. Sur le plan physique, ils contribuent à améliorer la force et la souplesse du corps. En outre, ils favorisent le développement des aptitudes mentales et intellectuelles. Par exemple, au moment de subir l’examen d’admission à la Faculté de droit (LSAT), et alors que d’autres étudiants paniquaient à l’idée de devoir répondre aux questions selon un horaire très structuré, la conférencière a eu la réflexion suivante : « Cinq minutes ? Il ne m’en faudrait pas plus pour faire 50 longueurs de piscine ! »

Cela dit, le principal avantage du sport a trait au perfectionnement des aptitudes psychosociales découlant d’interactions avec autrui. Pour bon nombre de personnes handicapées, l’université constitue le premier endroit où il devient possible d’évoluer sans qu’un préposé adulte s’interpose entre soi et le reste de la population. Le sentiment d’autonomie qui en résulte risque d’être « écrasant », avertit Madame Tanny. L’université n’en constitue pas moins un milieu de choix pour tirer parti d’une telle autonomie et commencer à établir des rapports sociaux positifs avec les étudiants non handicapés.

La participation aux activités parascolaires s’accompagne aussi de défis particuliers. Par rapport aux activités scolaires — pour lesquelles les bureaux des services aux handicapés sur les campus agissent souvent comme intermédiaires —, les activités parascolaires sont régies par des normes d’interaction sociale complètement différentes. D’expliquer Madame Tanny, « dans les milieux sociaux, nul n’est tenu de devenir votre ami ou de vous donner l’occasion de participer ».

Madame Tanny explique que l’un des éléments du modèle médical prévoit de « soustraire la personne handicapée de ses obligations sociales », de sorte qu’elle n’est ni censée prendre part aux mondanités, ni tenue de le faire. Cet élément a des retombées sur les politiques et contribue à nuire à la participation des handicapés.

Au cours de sa semaine d’initiation, alors que devait se dérouler une activité de descente en eau vive, Madame Tanny a demandé si des aménagements étaient prévus pour les étudiants en fauteuil roulant. Les organisateurs ont répondu qu’ils n’avaient pas cru que ces étudiants pourraient ou voudraient participer. « Ainsi naît un cercle vicieux », affirme la conférencière. D’une part, les personnes handicapées supposent que les activités ne seront pas accessibles et ne tentent pas de participer. D’autre part, les organisateurs n’ont jamais à traiter avec les personnes handicapées, de sorte qu’ils ne songent pas à tenir compte de l’accessibilité lors de la conception des activités.

« Permettez-moi de vous offrir un peu d’espoir », propose Madame Tanny, qui décrit les étapes qu’elle a suivies pour réussir à vivre une expérience positive. La première étape consiste à cultiver une conscience de ses propres barrières et limites. Un jour, lors d’un voyage de formation en Afrique du Sud, la conférencière a découvert que la distance séparant le centre de formation de la piscine correspondait à la longueur de cinq terrains de soccer. Elle a donc conclu un marché avec l’un des membres de son équipe : il la porterait sur ses épaules chaque jour, et elle le dispenserait de la séance obligatoire de pompes avant la natation. Ainsi, l’aménagement requis par Madame Tanny s’est transformé en saine concurrence et en interaction sociale positive. Il reviendra cependant aux intéressés de déterminer eux-mêmes les aménagements qui leur paraissent acceptables ou inacceptables.

Par ailleurs, les gens ont besoin d’objectifs clairs. Madame Tanny s’est tournée vers la natation par désir de s’amuser plutôt que de devenir une militante des droits des handicapés, prête à contester les idées reçues de son établissement d’enseignement à propos des athlètes universitaires. « Tout le reste est accessoire », précise la conférencière. Sans jamais s’excuser de réclamer des aménagements raisonnables, les étudiants devraient néanmoins choisir avec soin les batailles qu’ils acceptent de livrer. Pour sa part, Madame Tanny s’attaque sans retenue aux obstacles structurels ou implicites qu’imposent les politiques universitaires. À son avis, il est tout à fait inexcusable que des immeubles sportifs ne soient pas accessibles aux personnes handicapées.

Cela dit, les obstacles sociaux supposent une démarche fondée sur la négociation. « Il n’y a aucune honte à refuser de livrer bataille ou à reconnaître qu’il pourrait être inefficace d’imposer une solution pour satisfaire à ses propres besoins », explique l’oratrice.

Madame Tanny avance que les aménagements en milieu scolaire pourraient être reproduits dans le cadre d’activités sociales ou sportives. Par exemple, il y aurait moyen de jumeler, d’une part, des étudiants que les interactions sociales indisposent et, d’autre part, des étudiants handicapés qui ont besoin d’aide pour pouvoir participer. La conférencière met les délégués au défi de réfléchir au parallèle à tracer entre son exposé et leurs propres expériences et déficiences.

Discussion

En réponse à une question, Madame Bolton explique que le recrutement d’informateurs-clés se poursuit en vue de son étude. Elle invite d’ailleurs les participants intéressés à communiquer avec elle.

Priée d’indiquer si les intervieweurs demandent aux étudiants d’énumérer les changements systémiques qui leur paraissent souhaitables, Madame Bolton répond que la question posée aux étudiants se veut plutôt ouverte. Cependant, à l’avenir, les intervieweurs pourraient songer à poser une question comme : « À votre avis, quelles seraient les solutions possibles ? » On demande si cela nécessiterait la réalisation d’une étude distincte. La conférencière répond que, dans sa forme actuelle, le projet se veut le point de départ d’autres travaux. De nos jours, l’endettement des étudiants handicapés ne fait l’objet d’aucune recherche, et les responsables du Centre d’études sur les étudiants de niveau postsecondaire ont bon espoir que le projet aidera d’autres chercheurs à saisir toute l’importance du sujet.

Disant n’avoir jamais entendu parler auparavant du modèle social de la déficience, un délégué cherche à savoir où trouver de la documentation afférente. Madame Foy réplique que le modèle social est encore « nouveau et récent », bien que de nombreux établissements soient déjà en voie de l’adopter au Canada, aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni. Il existe maintenant un large éventail de travaux sur le sujet, dont plusieurs émanent de nouveaux chercheurs universitaires qui se penchent sur la déficience dans le cadre de programmes d’études de maîtrise ou de doctorat.

Dénonçant le fait que les travaux de recherche « génèrent souvent une série d’élégants tableaux et diagrammes, puis sombrent dans l’oubli », un délégué interroge Madame Bolton à propos du mode de diffusion des résultats de l’étude. La conférencière admet que les fruits de toute recherche ont tendance à « disparaître » à la suite de leur présentation. Elle nourrit l’espoir de faire publier son étude, après quoi celle-ci pourra inspirer d’autres chercheurs et alimenter de nouveaux travaux.

On demande à Madame Costa d’expliquer comment les écoles de taille modeste devraient réagir à son appel au fractionnement des activités de counselling et de prestation de conseils en matière de droits, compte tenu des ressources limitées dont disposent ces établissements. La conférencière répond en ces termes : « Si nous devions abandonner faute de ressources, notre salle serait vide aujourd’hui ! » N’étant rien d’autre qu’un groupe d’étudiants, la MSS n’a pas les moyens de fournir les ressources dont auraient besoin les établissements pour amorcer une transformation. Telle n’est d’ailleurs pas sa responsabilité. Par contre, la MSS est mesure de sensibiliser les intéressés au resserrement de l’intervention de l’État et des sociétés pharmaceutiques dans la vie des étudiants, de les conscientiser ainsi que de promouvoir un changement de culture.

Priée d’indiquer si elle avait consulté des étudiants handicapés ayant tenté de grossir les rangs de confréries ou de groupements de femmes, Madame Tanny répond que de telles associations ne jouent pas un rôle de premier plan dans son université. Cependant, le principal enjeu qui se pose à d’autres types d’amicales a trait à la logistique. Par exemple, de nombreuses activités sociales se déroulent en soirée, à une heure où les universités n’offrent plus de service de transport ou de transport adapté. On souligne que le site Web de NEADS propose une liste de services accessible. Les syndicats étudiants et autres groupes pourraient recourir à cette liste au moment de planifier leurs activités.

Un participant signale que, bien qu’il tente de redéfinir la déficience pour en faire une différence plutôt qu’une anomalie, le modèle social sous-entend que l’interaction entre la personne et la société souffre de dysfonctions. Il demande à Madame Foy si elle serait prête à formuler une définition qui ne reconnaît aucune anomalie. L’intimée salue cette proposition, mais croit que le modèle social ne sous-entend pas nécessairement une dysfonction. Il donne plutôt à penser que l’environnement ne parvient pas à assurer une perception favorable ou neutre des personnes handicapées, d’où la pertinence d’y apporter des modifications.

Les conférencières profitent de l’occasion pour s’interroger entre elles. Expliquant à Madame Costa que le bureau des services aux handicapés du Collège Selkirk conjugue les fonctions de counselling personnel et de prestation de conseils au sujet des droits, Madame Foy cherche à savoir comment l’établissement pourrait soutenir les étudiants qui ne souhaitent pas recevoir de services de counselling. En guise de réponse, Madame Costa suggère de présenter les fonctions comme des services, offerts au choix de l’étudiant. À son avis, le counselling psychologique ne devrait pas influencer les décisions relatives au droit qu’ont les étudiants de profiter d’aménagements.

Madame Bolton demande l’avis de Madame Costa quant aux vérifications que pourraient faire les conseillers pour s’assurer que les étudiants qui les consultent le font par choix personnel, et non pour se plier aux demandes d’autres personnes. Madame Costa répond que les bureaux devraient offrir un éventail de services et que l’apport respectif des conseillers et des thérapeutes devrait être clairement expliqué. « Les jeunes étudiants qui s’initient au système de soins psychiatriques ignorent l’existence d’un vaste mouvement », lance-t-elle. Il se peut que leur parcours ait été exclusivement façonné par la perspective biomédicale de la maladie mentale. En offrant un éventail de services aux étudiants, on leur fait comprendre qu’ils peuvent exercer un choix. Madame Costa ajoute que l’intervention du délégué qui disait ne pas connaître le modèle social de la déficience « atteste l’écart qui subsiste entre ce qui s’écrit dans les milieux universitaires et le savoir qui se transmet à d’autres sphères de la société ».

À Madame Tanny, un participant demande à qui il incomberait de briser le cercle vicieux voulant que les personnes handicapées ne participent pas et que les organisateurs n’offrent pas d’aménagements. « Au delà de la réponse classique à l’effet que les deux parties aient à consentir un effort, quelqu’un doit quand même faire le premier pas », lance-t-il. La conférencière répond que, dans les milieux d’enseignement, la responsabilité incombe carrément à la direction des collèges ou des universités. En outre, à son avis, rien ne saurait justifier que les organisateurs d’activités sociales omettent de considérer les questions d’accessibilité, compte tenu de la grande disponibilité des ressources et des conseils qui s’offrent en matière d’aménagements. Dans le domaine social, cependant, le pragmatisme dicte aux personnes le devoir de prendre l’initiative. La passion que nourrit Madame Tanny pour la natation et la souplesse qu’elle manifeste à l’égard des aménagements ont été les facteurs déterminants de sa propre démarche.

Priée de se prononcer sur la façon de convaincre la direction des universités d’améliorer l’accessibilité des activités et des installations sportives, Madame Tanny explique que les handicapés déboursent des frais d’éducation physique dans le cadre de leurs frais de scolarité, ce qui leur confère le droit implicite de pouvoir accéder aux installations. À son avis, les craintes liées à la responsabilité « ne sont qu’une invention juridique fondée sur le modèle médical qui traite la déficience comme un trouble de santé ». La conférencière souligne que, là où s’est créé un certain engouement, quelques universités ont maintenu des programmes de sports adaptés — ballon sonore et autres —, introduits au préalable à titre d’activités ponctuelles ouvertes aux non-handicapés.

Un membre de l’auditoire se dit frustré de devoir remuer ciel et terre pour tenter de faire reconnaître les sports adaptés de niveau universitaire. Madame Tanny reconnaît que « les athlètes ayant une déficience n’en demeurent pas moins des athlètes », au même titre que les non-handicapés. Cependant, elle rappelle que les règlements sont dictés par les associations universitaires plutôt que par les établissements d’enseignement.

Une déléguée explique qu’elle utilise un ordinateur portatif pour subir ses examens, mais choisit de le faire dans une pièce à l’écart, par crainte que le cliquetis des touches ne dérange les autres étudiants. Madame Foy réplique que les aménagements doivent être conçus en fonction des besoins particuliers des étudiants et à la discrétion de ces derniers.

On demande à savoir s’il y aurait moyen de formuler des normes universelles relatives aux services aux handicapés, de façon à éviter que des étudiants passent entre les mailles du filet parce qu’ils fréquentent tel établissement plutôt que tel autre. Madame Foy répond que cette question est au programme des conférences organisées par les fournisseurs de services aux handicapés. Ces derniers s’efforcent d’assurer une transition sans heurt, mais n’ont pas encore réussi à trouver une solution.

Priée de faire part de l’accueil que réserve le corps professoral au travail de son équipe, Madame Foy explique que la plupart des enseignants se montrent ouverts et réceptifs alors que d’autres ne changent leur point de vue qu’après avoir eu à traiter concrètement avec un étudiant handicapé. Elle raconte qu’un enseignant s’est adressé un jour au bureau des services aux handicapés pour discuter du cas d’une étudiante ayant une déficience auditive. Il craignait que les autres jeunes ne veuillent pas d’elle pour travailler à leurs projets de groupe. « Au contraire, peut-être voudront-ils tous l’avoir dans leur équipe », a répliqué la conférencière !

Une participante s’interroge sur la marche que devraient suivre les enseignants pour expliquer à leurs élèves qu’elle est atteinte d’une déficience auditive. La plupart des professeurs ne savent trop comment aborder le sujet. Madame Foy recommande à la participante de dialoguer directement avec ses maîtres ou encore de communiquer avec le bureau des services aux handicapés afin de trouver une solution. Un membre de l’auditoire conseille à la participante d’exposer simplement sa situation aux étudiants avec qui elle collabore plutôt qu’à toute la classe, affirmant que « c’est en posant des questions que l’on peut le mieux se familiariser avec la déficience d’une autre personne et comprendre ce que cela signifie pour elle ». Un troisième intervenant déclare offrir des simulations pour aider sa classe à comprendre en quoi consiste la dyslexie. Son approche est la suivante : « Voilà qui je suis. Si cela ne vous convient pas, eh bien apprenez à y faire face ! »

Une déléguée explique que de nombreux condisciples adorent la côtoyer en raison de son sous-titreur. Elle fait écho au commentaire de l’intervenant précédent concernant l’autonomie sociale. « Voilà comment j’apprends. À vous de vous en satisfaire ! », lance-t-elle.

Une autre déléguée évoque les difficultés qu’elle éprouve au cégep, où l’obtention du diplôme est conditionnelle à la participation aux cours d’éducation physique. Selon Madame Tanny, une personne devrait être tout à fait libre de déterminer sa capacité de participer. Elle salue toute « démarche dynamique » entreprise par la déléguée pour contester l’attitude de la direction du collège.

Priée de se prononcer sur la façon de vaincre les réticences à l’égard de la mise en place d’aménagements, Madame Tanny souligne que « toute personne handicapée s’est heurtée un jour ou l’autre à cet obstacle ». La plupart du temps, il s’avère plus efficace de procéder en douceur, en misant sur l’évolution des dispositions et des mentalités. Cependant, là où le refus de procéder aux aménagements se fonde sur des motifs personnels comme la soif de vengeance, la conférencière recommande de « passer outre à la personne ».

Répondant à une question à cet effet, Madame Tanny accepterait volontiers de partager le récit de ses réussites et échecs. « Bon nombre d’entre nous ont commencé à militer par intérêt personnel conscient », déclare-t-elle.

Margaret Shalma demande à Madame Bolton de préciser le nombre d’étudiants et de dirigeants sur les campus qui pourraient tirer parti de ses travaux en vue de procéder à des changements durables. « Comment passer de la théorie à la pratique ? », demande la modératrice. Affirmant ne pas encore avoir de réponses à offrir quant aux mesures que pourraient prendre les étudiants, Madame Bolton réitère l’objectif de sa démarche, qui consiste à sensibiliser les intervenants du domaine et à stimuler la réalisation d’autres études.

Se présentant comme un ancien triathlonien non handicapé, un participant cherche à savoir ce qu’il pourrait faire pour venir en aide. « Reconnaissez la légitimité des athlètes handicapés », répond Madame Tanny, qui remercie l’homme de sa question. La conférencière relate les propos de nageurs rencontrés lors de sa première compétition : « Hé ! Croyez-vous que cette Terry Fox sait nager ? Peut-être coulera-t-elle au fond de la piscine ! » De conclure Madame Tanny, il suffirait que les athlètes non handicapés cultivent « un sain respect pour les réalisations personnelles » pour que la déficience cesse de devenir un enjeu !

Plénière de clôture

Conférencier d’honneur : L’honorable Steven Fletcher
Ministre d’État à la Réforme démocratique

Dans son exposé, Steven Fletcher décrit le parcours qui l’a mené jusqu’au Parlement du Canada, résume les nouvelles initiatives gouvernementales visant les personnes handicapées et souligne l’importance du travail effectué par NEADS.

Monsieur Fletcher exerce d’abord la fonction d’ingénieur dans l’industrie minière. Puis, un jour, sa voiture percute un orignal, et il se retrouve quadriplégique, paralysé à la hauteur du cou. Les médecins formulent alors deux pronostics : la mort ou l’internement à perpétuité. À 23 ans, refusant l’un et l’autre scénario, l’homme décide de se battre pour éviter de se retrouver dans un établissement — une bataille qui sera déterminante pour lui, explique-t-il.

« Tous les beaux discours à propos de l’instruction perdent leur sens lorsqu’on est incapable de se tirer du lit le matin ou lorsqu’on ne peut quitter sa demeure pour se rendre à l’établissement d’enseignement ! »

Attendu « qu’il n’existe pas de mines d’or qui soient accessibles en fauteuil roulant », Monsieur Fletcher comprend qu’il devra retourner à l’école. Il décide donc de s’inscrire à un programme de maîtrise en administration des affaires. De nombreuses voix s’élèvent alors pour affirmer qu’il s’attaque à un trop grand défi. Les organisateurs du Graduate Management Admission Test (GMAT) lui conseillent même de songer à une autre avenue, étant donné son état. Toutefois, résolu à aller de l’avant, Monsieur Fletcher réclame et obtient des aménagements, notamment l’affectation d’un scribe et l’octroi d’un délai supplémentaire. Ainsi, il parvient à réussir l’examen selon les conditions des organisateurs.

Une fois inscrit au programme de deuxième cycle, Monsieur Fletcher doit réapprendre à apprendre, car il lui est impossible d’écrire ou de tourner les pages d’un livre. Par ailleurs, le fait d’évoluer dans un milieu universitaire lui ouvre des horizons insoupçonnés, notamment sur le plan de l’engagement politique étudiant. Monsieur Fletcher pose une première fois sa candidature à la présidence du syndicat étudiant de l’Université du Manitoba. Cette initiative suscite la curiosité de ses condisciples, qui doutent de ses capacités compte tenu de sa condition physique.

Plus tard, Monsieur Fletcher brigue de nouveau la présidence du syndicat. Cette fois, de très nombreux étudiants lui font la lutte, reprochant au candidat ses positions conservatrices au sein d’un établissement tenu pour être gauchiste. « Voilà qui est tout à fait sain », précise l’intéressé. « On ne me jugeait plus en fonction de mon mode de transport, mais bien en fonction de mes convictions ! » L’éducation constitue une voie de réintégration sociale, et les personnes handicapées devraient être plus nombreuses à pouvoir en profiter, affirme le conférencier.

Au fil des ans, Monsieur Fletcher accède à la présidence du Parti progressiste-conservateur du Manitoba, travaille à l’unification de la droite canadienne et se présente aux élections fédérales. En campagne électorale, il fait l’objet de commentaires inoubliables, comme : « Vous ne parlez pas comme une personne handicapée ! » ou « Comment allez-vous vous rendre à Ottawa ? » À cela, le conférencier rétorque : « Croyez-vous que les autres députés fédéraux gagnent la capitale à pied ? »

L’une des campagnes de Monsieur Fletcher l’oppose à l’ancien maire de Winnipeg, dans une circonscription vraisemblablement acquise au Parti libéral du Canada. L’animateur d’une émission radiophonique fait remarquer que le candidat libéral, un homme populaire soigneusement choisi par le premier ministre, serait à coup sûr « ministrable » en cas de victoire. On demande alors à Monsieur Fletcher d’expliquer, lors d’un passage sur un plateau de télévision, ce qui devrait inciter les électeurs à le préférer à l’ancien maire. « Tant qu’à être paralysé à la hauteur du cou, je préfère l’être jusqu’aux pieds plutôt que jusqu’au sommet de mon crâne ! », lance l’intéressé. Cette réponse provoque un long silence, suivi d’une pause publicitaire impromptue.

Aux délégués qui écoutent son allocution, Monsieur Fletcher explique qu’il ne voulait pas se montrer irrespectueux à l’endroit de son adversaire, mais bien enfoncer le clou suivant : une personne devrait être jugée sur la qualité de son apport éventuel plutôt que sur des attributs physiques non pertinents. « Je ne cherchais pas à décrocher un poste de footballeur ou de travailleur de la construction », explique le conférencier, « mais bien à exercer une fonction qui me permettrait de formuler des idées en vue de servir mes électeurs et d’améliorer la situation de notre pays ».

Comme c’est souvent le cas lorsqu’un milieu de travail accueille des employés handicapés, l’élection de Monsieur Fletcher impose certains changements au Parlement. Entre autres, il faut autoriser la présence d’un « étranger » (le préposé aux soins auxiliaires du nouveau député) à la Chambre des communes et au conseil des ministres. En outre, la Chambre doit être réaménagée pour permettre le passage du fauteuil roulant. Discutant avec l’architecte des transformations requises aux sièges des députés de l’opposition, Monsieur Fletcher prévient que tous les changements seront temporaires, car il occupera bientôt un siège de député ministériel. « Ensuite, je poserai ma candidature au poste de Président », plaisante-t-il.

Comme le démontre l’exemple des modifications faites à la Chambre des communes, tout milieu de travail peut procéder à des aménagements raisonnables, même si sa situation est « dictée par une construction vieille de 147 ans », de déclarer le conférencier. Ce dernier espère que d’autres employeurs feront preuve d’empathie envers la Chambre et rendront leurs installations accessibles à tous !

Monsieur Fletcher expose les points saillants du régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI), une nouvelle mesure dont le gouvernement a fait l’annonce dans le budget de 2006 et qui entrera en vigueur en 2009. Grâce au REEI, les familles qui comptent des enfants handicapés pourront cotiser à un régime d’épargne libre d’impôt, de façon à constituer une réserve servant aux soins des enfants une fois les parents décédés. Il sera possible de réaffecter le régime enregistré d’épargne-retraite des parents au REEI. Le gouvernement doublera les cotisations et maintiendra sa contribution même si une famille dépend de l’aide sociale. Monsieur Fletcher exhorte les participants à faire pression auprès de leur administration provinciale afin d’éviter qu’elle ne tente de récupérer les économies d’impôt réalisées par les cotisants du REEI.

« L’éducation constitue le meilleur investissement personnel que puisse faire un particulier et le meilleur investissement dans l’humain que puisse faire une société », affirme Monsieur Fletcher. La vie est injuste pour les personnes handicapées, qui doivent travailler plus fort que les autres tout en disposant d’une marge d’erreur réduite. Cependant, l’éducation contribue à rétablir quelque peu l’égalité des chances. « Elle peut sauver des vies ou redonner le goût de vivre », précise le conférencier. Ce dernier ajoute que, par son travail, NEADS contribue de façon déterminante au progrès du Canada en tant que société.

En conclusion, Monsieur Fletcher raconte qu’une fois élu, il a tiré un malin plaisir à confronter les détracteurs qui lui avaient prédit l’internement. « Je ne crois pas qu’ils croyaient que l’établissement qui m’accueillerait serait le Parlement du Canada », lance-t-il.

Annexe 1 - Notes d’allocution

Mahadeo Sukhai

Conférence nationale biennale de l’Association nationale des étudiant(e)s handicapé(e)s au niveau post-secondaire

Bonsoir à tous et toutes ! J’ai le plaisir de vous accueillir à la réception d’ouverture de la Conférence nationale de 2008 de NEADS, dont le thème est « Apprendre aujourd’hui, diriger demain ». Au cours du weekend, vous participerez à quatre ateliers mettant en scène des conférenciers dynamiques ; vous écouterez les propos inspirants de trois excellents conférenciers d’honneur ; vous prendrez connaissance des réalisations de NEADS et de ses projets d’avenir ; vous retrouverez de vieux amis et vous en ferez de nouveaux ; et vous contribuerez à la formulation collective de solutions pour relever les défis auxquels font face les étudiants handicapés — des solutions que vous pourrez partager avec les membres de votre collectivité ou de votre campus. Je serai heureux de bavarder avec vous à l’occasion de cette conférence qui, nous l’espérons, saura vous captiver. À tous et toutes, je souhaite un weekend du tonnerre et une conférence mémorable !

Il y a 22 ans, un groupe d’étudiants handicapés nourrissait une vision : la création d’un organisme national qui aiderait les étudiants handicapés en leur communiquant de l’information et en leur donnant accès à des ressources et à des services appropriés pour leurs études postsecondaires ; un organisme qui proposerait une démarche éclairée en vue de promouvoir l’intégration des étudiants handicapés au milieu postsecondaire ; un organisme qui réaliserait des travaux et des projets de recherche à l’appui de tels objectifs. En 1986, cette vision paraissait sans doute absurde. À peine 4 % de la population étudiante se déclare handicapée en 2008, et ce pourcentage était beaucoup plus faible il y a 22 ans. Pourquoi donc s’attarder à des enjeux qui concernent un si petit nombre de personnes ?

Voilà un bel exemple « d’argument statistique », ne croyez-vous pas ? Inutile de tenter de satisfaire un besoin s’il ne concerne qu’une poignée d’individus ! Je suis convaincu que nous connaissons tous la réfutation incontestable de cet argument, à savoir qu’un système accessible à tous profite à tous, et non seulement aux personnes handicapées. Deux défis se posent cependant : la perception voulant qu’un système accessible à tous s’avère plus coûteux et l’attitude voulant qu’il soit inutile de réformer un système qui tourne déjà rondement.

Nous savons tous qu’il importe de construire des édifices munis de rampes d’accès pour fauteuils roulants et d’ascenseurs accessibles aux personnes handicapées. Je propose donc une nouvelle interprétation qui tient compte de l’argument statistique : la théorie des intelligences multiples et son application aux personnes handicapées. En bref, il s’agit d’admettre que le mode d’apprentissage varie d’une personne à l’autre. Ainsi, en adaptant les méthodes d’enseignement aux différents styles d’apprentissage, nous pouvons faire en sorte que tous les étudiants apprennent avec la même efficacité.

Une vision absurde, donc ... Et pourtant, les fondateurs de NEADS ont choisi d’aller de l’avant, animés par la conviction que la création d’un milieu propice suffirait à inciter les étudiants à en tirer parti. Et pardi, c’est ce qui s’est produit, en partie du moins en conséquence de notre travail ! Notre mandat demeure tout aussi pertinent aujourd’hui, sinon plus, qu’il ne l’était en 1986. À tous les échelons, on compte un nombre croissant d’étudiants handicapés au niveau postsecondaire. Ces étudiants obtiennent leur diplôme et tentent de poursuivre leurs études ou de trouver un emploi dans les disciplines et les secteurs pour lesquels ils se sont défoncés.

Avons-nous innové en 22 ans ? La réponse est oui. NEADS, ses partenaires et ses alliés ont laissé une empreinte profonde et indélébile sur l’expérience des étudiants handicapés au niveau postsecondaire. Il nous reste cependant du travail à accomplir. C’est pourquoi le conseil d’administration a renouvelé son engagement et l’engagement de NEADS envers la réalisation de notre mandat, qui consiste à encourager, à favoriser et à promouvoir l’inclusion et la participation intégrales des étudiants handicapés dans le milieu postsecondaire et au sein de la population active.

Ce mandat reflète la dichotomie intrinsèque qui sous-tend le mouvement des handicapés — notre volonté d’être traités « comme tout le monde » à laquelle se conjugue un vibrant appel à l’exercice d’un leadership, à la personnification de la différence, au refus « d’être comme tout le monde ».

Voyons ce que cela signifie. Comme personnes et comme collectivité, nous travaillons à l’édification d’un monde où, dans ce pays, tout étudiant handicapé pourra fréquenter l’établissement d’enseignement postsecondaire de son choix, s’inscrire au programme de son choix et trouver un emploi dans sa discipline. Autrement dit, nous revendiquons l’accès aux mêmes possibilités et aux mêmes choix que quiconque.

Contrairement à ce que voudrait une idée aussi fausse que curieuse, l’accès aux possibilités n’est pas nécessairement gage de réussite. Devrait-on nous recruter pour un emploi ou nous admettre aux études postsecondaires dans le simple but de respecter un contingentement ? Notre handicap devrait-il nous valoir un privilège refusé à d’autres qui travaillent aussi fort et tout autant que nous ? Devrions-nous sanctionner l’action positive ? Nombreux sont ceux parmi nous qui répondraient par la négative à toutes ces questions. Nous demandons simplement d’avoir l’occasion de faire nos preuves. Nous demandons que les règles du jeu soient uniformisées de façon à assurer l’égalité des chances pour tous. À l’instar du pasteur Martin Luther King, je caresse un rêve : celui que le dévouement et le travail acharné de toutes les personnes ici présentes nous valent d’être jugés selon notre trempe !

Cette voie exige de la patience. Le changement ne survient pas du jour au lendemain — surtout pas dans le milieu postsecondaire, qui semble parfois pétrifié ! Il en sera ainsi jusqu’à ce que nous soyons plus nombreux à réussir dans le monde de la recherche, à occuper des postes de professeur permanent ou à exercer des fonctions administratives dans les universités. Cette voie milite en faveur de la responsabilité personnelle. Le fait d’aspirer à l’égalité des chances nous impose d’être prêts à miser sur tous nos atouts — nos compétences, nos capacités, les choses que nous avons apprises et que nous continuons d’apprendre. La voie de la responsabilité personnelle nous pousse à prendre possession de notre handicap, de nos études, de notre carrière, de notre destin, de notre identité. Ne nous méprenons pas : La responsabilité personnelle va bien au delà de l’autonomie sociale, de la déclaration de notre handicap, de la défense de notre propre cause. La responsabilité personnelle consiste à reconnaître que la vie nous appartient et qu’il nous revient d’en tirer le meilleur parti possible.

Le renouvellement de notre engagement envers la réalisation du mandat de NEADS devra nous mener à privilégier trois enjeux : la transition au système d’enseignement postsecondaire ; l’inclusion et la participation dans le milieu universitaire et le milieu parallèle au sein du système postsecondaire ; et, enfin, le passage à la population active.

Nombre de collèges et d’universités adoptent des philosophies d’apprentissage qui misent sur l’intégration. Cependant, il faudra encore franchir des pas avant que les étudiants handicapés puissent jouir d’un accès complet et d’une participation sans restrictions. L’apprentissage revêt de multiples visages, et il survient parfois à l’extérieur des salles de classe et dans différents milieux au sein du système postsecondaire. Dans ces conditions, comment faire pour vérifier l’accessibilité des programmes qui sont censés traduire l’esprit et la portée des philosophies axées sur l’intégration ?

Les technologies ne cessent de se perfectionner. Il est possible de trouver des solutions techniques pour surmonter les obstacles auxquels font face les étudiants handicapés. Cependant, ces solutions ne s’avèrent pas toujours pratiques, rentables ou opportunes. En dépit des percées sur le plan du savoir et des technologies, l’apport des personnes handicapées demeure minime. Nous nous targuons de vivre dans l’une des sociétés les plus ouvertes et les plus accueillantes de la planète et de toute l’histoire des civilisations. Comment se fait-il pourtant que les étudiants handicapés y soient sous-représentés ?

Pour réaliser nos objectifs, il nous faut élargir et renforcer nos partenariats. NEADS a multiplié le nombre de ses partenaires et instauré un régime innovateur et complexe de collaboration avec le secteur public et le monde de l’enseignement postsecondaire. Ainsi, l’Association a lancé un projet de recherche qui s’intéresse aux obstacles financiers auxquels font face les étudiants handicapés. Ce projet est réalisé avec le concours du Centre d’études sur les étudiants de niveau postsecondaire, qui relève de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario associé à l’University of Toronto. Il compte aussi sur la collaboration de la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire, du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur et de l’Association canadienne des conseillers en services aux étudiants handicapés au postsecondaire.

Le projet vous sera présenté en détail dimanche. La phase de recherche prévoit la réalisation d’entrevues auprès d’étudiants handicapés de tout le pays en vue de recueillir leur récit et leur expérience concernant les obstacles financiers que comportent les études postsecondaires. À la question « s’il vous était possible de recommencer vos études postsecondaires, procéderiez-vous de façon différente ? », la grande majorité des participants ont répondu non. Connaissant les défis qu’il faut relever pour terminer des études postsecondaires, aucun d’entre nous ne songerait à procéder autrement. Je le répète : Aucun d’entre nous ne procéderait autrement !

La semaine dernière, Barack Obama est devenu président désigné des États-Unis. Personne n’aurait cru cela possible un jour. Il y a 40 ans, cet homme aurait été jugé incapable d’exercer la présidence. Il y a tout juste une génération, un caractère génétique lui aurait valu d’être ignoré, écarté ou exclu. Les occasions se seraient évanouies sous ses yeux, et les portes se seraient closes devant lui. Combien de temps faudra-t-il encore aux personnes handicapées pour fracasser tous les plafonds invisibles, parvenir au sommet de leur profession et devenir des chefs de file dans leur discipline ou leur secteur ?

Combien compte-t-on de personnes handicapées qui ont su, à leur façon, connaître une telle réussite dans leur domaine respectif ? Trois d’entre elles s’adresseront à nous ce weekend. Diplômé de l’University of Toronto à Scarborough et ancien journaliste scientifique et technique au service de CityTV à Toronto, l’honorable David C. Onley est lieutenant-gouverneur de l’Ontario et représentant de la Couronne dans cette province. Pour sa part, l’honorable Steven Fletcher est ministre d’État à la Réforme démocratique. Enfin, Sandi Bell est commissaire en poste à la Commission canadienne des droits de la personne. Nos trois conférenciers d’honneur doivent leur poste actuel à l’excellence et au rendement dont ils ont fait preuve dans leur emploi, leur collectivité et leur vie.

Qu’entendons-nous par excellence ? Comment pouvons-nous fracasser les plafonds invisibles ? Notre programme de bourses d’études Action-Éducation pour étudiants handicapés du postsecondaire nous permet d’examiner cette question à travers un large prisme multidimensionnel. Pour mériter une bourse, les candidats doivent briller par leur engagement ou leur réussite dans une discipline ; par leur leadership ou leur expérience de bénévolat ; par leur engagement ou leur participation dans la collectivité ; ainsi que par leur apport éventuel à l’avancement de la société. Les récipiendaires proviennent de tout le pays et sont issus de différents milieux. Tous nourrissent des espoirs, des rêves et des ambitions qu’ils sont en bonne voie de réaliser.

Au cours des deux dernières années, NEADS s’est penché sur la question de l’excellence — d’abord au moment de fixer les critères du programme de bourses d’études Action-Éducation, puis au moment de renouveler l’énoncé de mandat de l’Association. Ainsi, nous voulions faire en sorte que le monde de l’enseignement postsecondaire et la population active nous accueillent, nous étudiants handicapés.

Mais cela suffit-il ? Nous suffit-il de simplement pouvoir fréquenter n’importe quel collège ou n’importe quelle université ? De simplement pouvoir trouver un emploi et toucher des revenus ? Ne devrions-nous pas plutôt pouvoir fréquenter le collège ou l’université de notre choix ? Être admis dans le programme ou la discipline de notre choix ? Vivre d’un emploi qui correspond à notre formation, dans la discipline où nous avons fait nos études ? Pourquoi notre définition de la réussite ou de l’excellence devrait-elle être différente de celle des autres ?

Le milieu postsecondaire a radicalement changé depuis 1986. À l’époque, rares étaient les établissements qui comptaient un bureau des services aux handicapés ; aujourd’hui, on en trouve partout. Les établissements accueillent un nombre croissant d’étudiants handicapés. Le concept de milieu d’apprentissage évolue. La population étudiante présente un nouveau profil démographique et une nouvelle diversité. L’enseignement postsecondaire se transforme sous l’impulsion de phénomènes comme la poussée de la formation à distance, la redéfinition de l’apprentissage et la multiplication du nombre d’étudiants qui doivent nécessairement travailler. Ces nouvelles conditions nous poussent à changer. Il en va du maintien de notre pertinence et de notre réussite.

À l’heure où nous nous apprêtons à forger des liens avec d’autres groupes, l’étude sur les obstacles financiers tient lieu de projet-pilote. Il y a longtemps que nous entretenons des rapports formidables avec le secteur des services financiers. Pour réussir dans un milieu postsecondaire en transformation, il faut maintenant nous rapprocher de tous les intervenants de ce milieu, et non simplement des fournisseurs de services. Au pays comme à l’étranger, nous devons édifier de solides rapports avec d’autres organisations non gouvernementales, y compris des fournisseurs de services et des associations professionnelles. Collectivement, nous sommes en mesure de multiplier nos réalisations.

Il y a 100 ans, il était courant d’interner les personnes handicapées, de les isoler du reste de la société ou de leur refuser toutes sortes de possibilités. Il y a 50 ans, on ne reconnaissait pas encore les troubles d’apprentissage, les troubles du psychisme et les troubles du développement. Il y a une génération, les enfants autistes étaient internés ou confiés à des foyers de groupe. Pour pouvoir fréquenter l’école, les enfants handicapés devaient miser sur la chance. Les plus instruits se trouvaient avantagés, surtout s’ils faisaient des études postsecondaires — mais somme toute, ces enfants n’étaient pas vraiment censés réussir. Aujourd’hui, aux côtés de leur famille et des personnes qui les soignent, les jeunes handicapés des pays développés exigent d’exercer des droits et libertés acquis de haute lutte. Cependant, ces droits et libertés tardent à être reconnus dans bien des régions du monde. Là, faute de ressources, les jeunes handicapés se voient refuser des possibilités que nous tenons pour acquises.

Quelqu’un doit nécessairement paver la voie. Un jour, un brave étudiant a obtenu que l’on aménage une rampe d’accès, que l’on admette des chiens-guides dans les salles de classe, que l’on instaure des services d’aide à l’apprentissage et à l’étude ou que l’on reconnaisse des méthodes différentes d’apprentissage, de pensée, de cognition, de communication et de traitement de l’information.

Il y a un siècle, voire à peine une génération, les personnes handicapées — tout particulièrement les jeunes — étaient marginalisées et exclues. Nous ne méritions pas que d’autres nous consacrent du temps ou des ressources en pure perte. À ceux qui doutaient de nous, qui nous critiquaient ou qui nous écartaient du revers de la main, les défenseurs de notre cause, qui n’étaient pas eux-mêmes handicapés, servaient cette réponse : « Oui, ils le peuvent ! » Prenant la parole au nom des plus jeunes et de ceux qui communiquent difficilement, parents, tuteurs et frères et sœurs clamaient « oui, ils le peuvent ! » Pour nous exhorter à continuer à donner notre pleine mesure et à nous dépasser, enseignants, amis, partenaires et soignants lançaient « oui, vous le pouvez ! »

Certains, parmi nous, ont été les premiers à défier l’ordre établi. Ils n’ont pas eu la tâche facile ! À nos détracteurs qui disaient « la réussite scolaire vous échappera, car vous serez incapables de faire les devoirs », quelqu’un a répondu « oui, je le peux ! »

À ceux qui disaient « pas la peine de vous instruire, vous ne pourrez jamais en tirer parti », quelqu’un a répondu « oui, je le peux ! »

À ceux qui affirmaient « vous ne pourrez jamais contribuer à votre discipline en raison de votre handicap », quelqu’un a répondu « oui, je le peux ! »

À ceux qui déclaraient « vous ne pourrez jamais exercer un emploi, car il vous sera impossible de travailler dans ce milieu », quelqu’un a répondu « oui, je le peux ! »

À ceux qui crachaient « vous êtes incapables de contribuer à la société, vous ne ferez jamais rien qui vaille », quelqu’un a répondu « oui, je le peux ! »

Il y a 22 ans, la donne a changé. À l’échelle du pays, les étudiants handicapés se sont mobilisés pour unir leur voix, lancer un appel et pousser ce cri de ralliement qui nous est propre : « Oui, nous le pouvons ! »

Ce soir, à l’aube de ce weekend, nous nous réunissons une fois de plus, comme nous le faisons tous les deux ans, afin de renouveler notre vision d’avenir, d’apprendre de nos expériences et de réaffirmer d’une même voix cet engagement : « Oui, nous le pouvons ! »

Annexe 2 - Notes d’allocution

L’honorable David C. Onley

Conférence nationale biennale de l’Association nationale des étudiant(e)s handicapé(e)s au niveau post-secondaire

Mesdames et Messieurs,

C’est un réel honneur pour moi de m’adresser à vous aujourd’hui à l’occasion de votre conférence nationale biennale. Je vous remercie de m’offrir cette possibilité.

Permettez-moi d’abord de saluer vos efforts et votre détermination. Les étudiants handicapés de tout le Canada sont chanceux de pouvoir compter sur l’Association nationale des étudiant(e)s handicapé(e)s au niveau post-secondaire pour défendre leurs intérêts et veiller à ce que le système d’enseignement postsecondaire canadien tienne compte de leurs besoins particuliers. Voilà qui me rappelle les propos récents d’un défenseur des droits des personnes handicapées aux États-Unis, qui affirmait à peu près ce qui suit :

« Oui, nous avons besoin de services de soutien. Oui, nous avons besoin de services d’enseignement qui n’excluent personne. Oui, nous avons besoin de services d’emploi axés sur l’intégration. Oui, nous avons besoin de droits égaux. Mais il n’y a là rien de particulier. Ces besoins découlent de la vision qui considère les personnes handicapées comme membres à part entière de la collectivité. Nous n’avons rien de spécial et ne sommes pas des modèles. Nous sommes des êtres handicapés et fiers, et à ce titre, nous devrions interpeller toute personne qui ne nous respecte pas en tant que membres à part entière de la collectivité. »

Voilà un message puissant qui mérite d’être reçu par sa clarté et sa teneur.

À l’époque où John Graves Simcoe a créé la province du Haut-Canada en vertu de l’Acte constitutionnel de 1791, le poste de lieutenant-gouverneur s’accompagnait d’importantes fonctions politiques. Il y a maintenant longtemps que ces pouvoirs se sont évanouis, et j’en étais bien conscient au moment d’accepter le poste. Cependant, comme l’a si bien souligné un observateur, le titulaire du poste de représentant vice-royal dispose du pouvoir de « parler franchement à l’autorité, au nom des personnes dont la voix se perd dans la société ».

Cette interprétation me séduit grandement, car le poste que j’occupe me procure un tremplin de choix pour parler franchement à l’autorité, pour servir la population ontarienne et pour sensibiliser le public à une cause importante.

Bien entendu, cette cause est celle de l’accessibilité. En tant que premier lieutenant-gouverneur de la province à être atteint d’une déficience physique, j’ai choisi de faire de l’accessibilité le thème déterminant de mon mandat.

À mes yeux, l’accessibilité va bien au delà des simples mesures visant à éliminer des obstacles physiques, qu’il s’agisse de construire des rampes d’accès, d’aménager des bateaux de trottoir ou de procéder à de nombreuses autres améliorations utiles. De fait, l’accessibilité englobe tout ce qui permet aux personnes de réaliser leur plein potentiel. Cette conception vaut tant pour les personnes atteintes d’une déficience physique que pour celles dont la déficience est soi-disant invisible.

À vrai dire, le message que je vous livre aujourd’hui est le suivant : Pour parvenir à aider les individus à réaliser leur plein potentiel, il nous faut également abattre des barrières psychologiques. J’ajouterais que la barrière psychologique la plus subtile tient à l’hypothèse erronée qui fait rimer déficience avec incapacité.

Les attitudes qui se fondent sur cette légende ou sur cette perception fautive constituent à peu près le principal obstacle qu’ont à franchir la plupart des personnes handicapées, surtout lorsqu’il s’agit d’emplois.

Contrairement à ce que croient de nombreux employeurs, il faut relativement peu d’aménagements et il n’en coûte pas beaucoup pour favoriser l’accès des personnes handicapées aux milieux de travail. Une étude réalisée par le Job Accommodation Network a révélé que 46 % des employeurs n’avaient pas un sou à débourser pour adapter le lieu de travail d’une personne handicapée, alors que 45 % devraient engager une dépense ponctuelle de moins de 500 dollars.

De telles légendes et perceptions fautives alimentent des résultats comme ceux qui se dégagent de la plus récente Enquête sur la participation et les limitations d’activités, réalisée par Statistique Canada. En 2006, cette dernière a observé un taux de chômage et d’inactivité de 49 % parmi les personnes handicapées, comparativement à 20 % parmi l’ensemble de la population.

Phénomène notable, les personnes handicapées constituent le plus vaste bassin de main-d’œuvre encore inexploité au Canada. De nombreuses études démontrent qu’en plus de contribuer à l’obtention de meilleurs résultats par les employeurs, l’embauche de personnes handicapées enrichit le tissu social et économique de la société, augmente le nombre de contribuables et accroît l’autonomie financière des principaux intéressés.

Voilà pourquoi je saisis chaque occasion qui m’est offerte de m’adresser aux gens d’affaires. En effet, pour espérer voir un jour s’améliorer les statistiques sur l’emploi des personnes handicapées, il faudra tout d’abord renverser la barrière que constitue l’attitude de la plupart des employeurs qui hésitent à embaucher ces candidats ou qui s’y refusent carrément.

Le point de départ consiste peut-être à bien cerner le véritable marché.

Aux États-Unis, par exemple, on évalue que les personnes handicapées contrôlent un revenu annuel global de plus de mille milliards de dollars, un marché naissant dont la taille équivaut à celle du marché de la Chine.

Ce chiffre saisissant provient d’un organisme de recrutement sans but lucratif dont le siège social est à New York et qui porte le nom de LimeConnect. Pour le compte de clients de prestige, cet organisme pratique un recrutement intensif en puisant dans le bassin grandement sous-exploité des candidats handicapés talentueux que l’on retrouve sur les campus de tous les États-Unis. Au cours des deux dernières décennies, les universités et collèges étasuniens ont vu progresser de plus de 300 % le pourcentage de handicapés au sein de leurs effectifs d’étudiants de première année. Cet automne, LimeConnect a commencé à s’intéresser au marché de l’Ontario, où l’organisme compte agir comme trait d’union entre des sociétés éclairées et des diplômés handicapés.

LimeConnect compte parmi ses clients des sociétés comme Google et Pepsi-Cola qui savent qu’en plus de consommer leurs produits, les personnes handicapées offrent un potentiel stupéfiant sur le plan de l’emploi. En Amérique du Nord, le marché compte environ 15 % de personnes qui sont atteintes d’une déficience quelconque. Combien recense-t-on d’entreprises qui pourraient se permettre d’ignorer tous ces gens, surtout dans la conjoncture économique difficile que nous connaissons ? Aucune, bien sûr, à moins que ces entreprises ne souhaitent devoir se retirer des affaires !

Pour parler franc, tout se résume à une question d’attitude ...

Pendant des années, j’ai prononcé une allocution ayant pour thème « nous sommes tous atteints d’une déficience, quelle est la vôtre ? » J’interpellais l’auditoire en posant la question suivante : Au moment de faire la connaissance d’une personne handicapée, remarquez-vous d’abord sa déficience ou les capacités qu’elle possède ? Les gens se plaisent à dire qu’ils remarquent en premier lieu les capacités, mais nous savons bien que c’est faux. Tout le monde remarque d’abord la déficience. Inutile de s’en désoler : Telle est la nature humaine ! L’essentiel consiste à éviter de porter un jugement de valeur inspiré par des faits superficiels et à tâcher plutôt de sonder la personne afin de découvrir son vrai visage.

Connaissez-vous l’histoire de Roger Crawford ? Bien qu’atteint de graves déficiences physiques à la naissance, cet homme a réussi à devenir tennisman émérite au niveau collégial, puis professeur accrédité par la United States Tennis Association. Un jour, il a tenu les propos suivants :

La seule chose qui nous distingue, c’est que vous pouvez voir ma déficience alors que je ne peux voir la vôtre. Nous avons tous des déficiences. On me demande souvent comment j’ai pu surmonter mes déficiences physiques. Je réponds que je n’ai jamais surmonté quoi que ce soit. J’ai simplement appris à connaître mes incapacités. Par exemple, je serais incapable de jouer du piano ou de manger du riz avec des baguettes. Mais par-dessus tout, j’ai appris à connaître mes capacités. Et je m’investis corps et âme dans tout ce dont je suis capable !

Si nous pouvions tous apprendre à découvrir les capacités qui se cachent derrière les incapacités, alors notre société n’exclurait plus personne, et toute la gamme des capacités humaines y seraient accueillies et appuyées.

Peut-être avez-vous eu la chance, lors d’une retraite ou d’un séminaire, d’assister à une allocution prononcée par Bob Morris, d’Interserve Canada. Cet ancien professeur de carrière, qui s’affaire aujourd’hui à rédiger ses mémoires, nous a raconté une charmante histoire l’été dernier, à l’occasion de la Fair Havens Bible Conference. Cette histoire appuie tout à fait mon propos.

La scène se déroule au milieu des années 1960. À l’époque, Bob occupe un poste de professeur d’anglais au Don Mills Collegiate Institute. Il fait alors la rencontre d’un curieux jeune homme nommé Gerry. Ce dernier est inscrit à un cours d’anglais de 10e année destiné aux étudiants qui ne prévoient pas fréquenter l’université. Autrement dit, un cours qui s’adresse aux personnes incapables d’entreprendre des études postsecondaires.

Bob décide quand même d’expliquer à ces étudiants le phénomène des médias de masse, encore nouveau à l’époque. Entre autres, il leur propose la citation suivante de Marshall McLuhan : « Nous ne savons pas qui a fait la découverte de l’eau, mais il ne s’agissait assurément pas d’un poisson. »

Le sens de la citation semble échapper à Gerry. Bob lui suggère donc de s’arrêter là pour reprendre la discussion en classe le lendemain.

Le lendemain, au grand étonnement de Bob, Gerry lui expose très clairement la teneur de la citation de McLuhan. « L’eau constitue le milieu de vie du poisson », explique-t-il. « Il s’agit de sa vision du monde. La chose dont nous sommes les moins conscients, c’est notre cadre de référence, à savoir le milieu dans lequel nous vivons et évoluons. Par conséquent, le poisson serait le dernier être sur Terre à faire la découverte de l’eau, car il ne connaît pratiquement rien d’autre ! »

Bob est estomaqué. Il demande à Gerry d’où lui est venue cette explication. L’autre de répondre : « Une fois rentré chez moi, j’ai joint Monsieur McLuhan au téléphone. Il m’a parlé une bonne demi-heure et m’a donné des explications jusqu’à ce que je comprenne ce qu’il voulait dire. »

Bob aurait très bien pu se désintéresser de Gerry et ne voir en lui qu’un jeune destiné à la médiocrité, indigne d’apprendre quoi que ce soit à propos de Marshall McLuhan. Mais il ne l’a pas fait. Et je suis convaincu que Gerry a très bien su se frayer un chemin dans la vie !

Voilà le message que je m’efforce de diffuser dans toute la province, incitant mes auditeurs à voir au delà des déficiences lorsqu’ils échangent avec des personnes handicapées ou lorsqu’ils considèrent l’embauche de tels candidats. Ces derniers ont la même éthique du travail que tous les autres. Il leur faut une seule chose : des employeurs qui leur donnent l’occasion de révéler leurs talents.

De fait, si je n’avais pas eu moi-même cette chance, il y a fort à parier que je ne serais pas ici à vous parler aujourd’hui.

J’ai été l’une des premières personnes atteintes d’une déficience visible à me retrouver au petit écran. Cela m’a valu d’être parfois perçu comme un modèle.

Il est vrai qu’à force de m’accueillir quotidiennement dans leur salon pendant 23 ans, les téléspectateurs ontariens en sont venus à accepter l’idée qu’une personne atteinte d’une déficience visible puisse exercer une fonction publique. Mais le véritable modèle pour les employeurs, c’est Moses Znaimer, ancien président de CityTV. Il y a 23 ans, cet homme a osé m’embaucher pour occuper un poste en ondes. Il a choisi de porter son regard au delà des incapacités pour s’attarder plutôt aux capacités — à ma capacité de faire le travail.

Albert Einstein a dit un jour que donner l’exemple ne constitue pas la meilleure façon d’influencer autrui, mais bien la seule façon.

Plus tôt cet été, alors que j’assistais à un événement à Bracebridge, le crieur du village m’a présenté en proposant une description singulière des attitudes qu’inspirent les déficiences. Comparant l’accessibilité à une vulgaire porte, il a posé une série de questions que je me permets maintenant de partager avec vous.

Le non-voyant peut-il trouver la porte ?

La main de la personne atteinte d’arthrite peut-elle tourner la poignée ?

La personne ayant une blessure au bras peut-elle pousser la porte pour l’ouvrir ?

La personne à mobilité réduite peut-elle franchir le pas de la porte ?

Les personnes non handicapées, enfin, sont-elles disposées à ouvrir la plus importante de toutes les portes, celle de leur esprit ?

Choisirons-nous aujourd’hui d’aider ceux et celles qui attendent sur le seuil de la porte des incapacités ?

Si oui, alors ce sera à nous de transformer les incapacités en capacités, peu importe qui nous sommes et peu importe les défis auxquels nous faisons face.

En ma qualité de premier lieutenant-gouverneur de l’Ontario à être atteint d’une déficience physique, je continuerai d’insister auprès des employeurs pour qu’ils portent leur regard au delà des incapacités, de façon à considérer le potentiel infini qui sommeille en chacun de nous.

Par ailleurs, je continuerai de rappeler aux employeurs les efforts que vous déployez pour améliorer votre vie et assurer un meilleur avenir à la prochaine génération de chefs de file canadiens.

Au nom de la Couronne, je salue le travail effectué par tous les intervenants de NEADS qui, depuis plus de vingt ans, aident les jeunes handicapés à réaliser leur objectif et tirer parti d’un plein accès à l’enseignement postsecondaire. À tous et toutes, je souhaite une conférence des plus productives !

Merci de votre attention.



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